Le groupe de recherche et d’étude du patrimoine intellectuel sénégalais a entamé, mardi à Dakar, une série de manifestations marquant le 240e anniversaire de la révolution du Fouta (Nord) menée par Ceerno Sileymaani Baal, mort en 1776 lors d’une bataille.
’’Nous sommes en face d’une personnalité qui a joué un rôle important, un humaniste qui s’est attaqué à l’esclavage et a mis en avant l’intérêt de son peuple’’, a souligné le Pr Iba Der Thiam, ancien ministre de l’Education et historien, au cours d’un symposium à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Ceerno Sileymaani Baal est né en 1720 dans la localité de Samba Diery. Il fait ses humanités en Mauritanie et retourne plutard dans son Fouta natal en proie à l’esclavage et à l’oppression du régime Déniyanké, des animistes qui établissaient leur domination sur la région.
Le résistant Ceerno Sileymaani Baal réussit à sensibiliser les populations du Fouta afin qu’elles se lèvent contre ce régime en place depuis 250 ans, aux pratiques inhumaines et contraires à l’Islam.
Il parvient, dans un premier temps, à libérer son peuple de l’impôt versé aux Maures ce qui le rend de plus en célèbre, gagnant ainsi la confiance des notables du Fouta.
Alors que l’affrontement devenait inévitable entre les populations acquises à la cause de Baal et le régime en place, le chef des Déniyanké meurt subitement (son fusil a explosé entre ses mains) ce qui affaiblit et marque la fin de l’hégémonie de son système.
Ceerno Sileymaani Baal ’’décline l’offre de diriger le Fouta et dit : +je veux rester un simple combattant, un moudjahid pour le Fouta +’’, raconte le Pr Iba Der Thiam.
Cependant, le leader de la révolution du Fouta redessine les contours de sa région et instaure un nouveau système de commerce basé sur des produits autorisés par l’Islam.
Il supprime ainsi toute forme de transmission dynastique du pouvoir ainsi que l’enrichissement illicite, encourage la promotion par le travail et par le mérite, favorise une justice honnête et décentralisée et appelle à l’apprentissage du Coran.
Ceerno Sileymaani Baal poursuit, avec son armée, son combat contre les Maures qui le surprennent dans son sommeil au cours d’une bataille. Il meurt à l’âge de 57 ans, laissant à son peuple plusieurs recommandations essentiellement portées sur la démocratisation du pouvoir.
’’Il a porté un acte qui ne commence qu’à être appliqué au 21e siècle’’, a soutenu le Pr Thiam, parlant de la démocratisation du pouvoir prônée par Ceerno Sileymaani Baal.
’’Avant Jules Ferry (homme politique français du 19e siècle), Ceerno Sileymaani Baal a instauré la gratuité de l’enseignement. Il aussi posé le problème de l’enrichissement illicite et a donc établi la nécessité, pour chaque citoyen, de rendre compte : des problématiques contemporaines qui n’ont pas encore été réglées’’, a ajouté l’historien.
Le recteur de l’UCAD, le Pr Ibrahima Thioub, a pour sa part, souligné ’’le problème de la réédition de compte et celui de l’exercice et de la distribution du pouvoir dans la société’’, posés par Ceerno Sileymaani Baal.
Ce sont des ’’problèmes auxquels nos sociétés contemporaines sont confrontées. Nous avons vécu un débat sur le troisième mandat au Sénégal, sur la succession dynastique au pouvoir, questions qui ont été abordées à la fin du 18e siècle par la révolution du Fouta qui l’avait réglée magistralement et nous n’avons pas suffisamment tenu compte’’, a relevé le Pr Thioub.
Et le recteur d’ajouter : ’’heureusement que notre patrimoine de résistance nous a permis de résoudre ce problème qui nous était posé en 2012’’.
Le président du comité de pilotage de ce symposium, Ousmane Kane, a dépeint Ceerno Sileymaani Baal comme « un héros aux idées progressistes à portée universelle’’.
’’Nous avons voulu singulariser la Révolution du Fouta, exhumer l’histoire de cette révolution antérieure à la révolution française’’, a-t-il ajouté.
Plusieurs événements vont être organisés à travers le Sénégal cette année pour célébrer le 240e anniversaire de la Révolution du Fouta et de la mort de Ceerno Sileymaani Baal.
Aps
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