Le 17 octobre 1987, le gouvernement annonça la découverte d'un complot
de coup d'Etat ourdi par un groupe d'officiers noirs. Cinquante et un
officiers furent arrêtés, détenus au secret et soumis à des techniques
brutales d'interrogatoire, notamment à la privation de sommeil. Les
officiers furent inculpés d'atteinte à la sûreté de l'Etat conformément
aux articles 83 à 90 du Code pénal pour avoir participer à un complot
destiné à renverser le gouvernement et à provoquer la mort d'habitants
du pays . Ils ne furent autorisés à contacter leurs avocats qu'à partir
du 18 novembre, jour du procès. Le procès se déroula selon une procédure
spéciale d'urgence, employée lorsque les défendeurs sont pris en
flagrant délit. Le 3 décembre, trois d'entre eux furent condamnés à
mort; dix-huit furent condamnés à la prison à vie (dont deux qui
moururent en détention en 1988 du fait des conditions épouvantables de
leur emprisonnement --voir infra la section concernant "les tortures et
les conditions de détention"); neuf furent condamnés à vingt ans; cinq à
dix ans; trois à cinq ans; six furent condamnés à cinq ans de prison
avec sursis et à de lourdes amendes; enfin sept furent acquittés. Aucun
des condamnés ne fut autorisé à interjeter appel. Les trois officiers
condamnés à mort furent exécutés le 6 décembre. Il s'agissait du
Lieutenant Sy Saidou, du Lieutenant Bâ Seydi et du Lieutenant Sarr
Amadou.
L'un des officiers arrêtés décrivit les conditions de détention:
Mes camarades ont été exécutés après avoir passé quarante-cinq
jours à Jereida, parfois dans des cellules individuelles de
quatre-vingt-dix centimètres sur quatre-vingt-dix, ou dans des cellules
collectives de deux mètres et demi sur trois, ou d'autres dans des
cellules pleines de puces et de poux, ou enfin dans des cellules
réservées aux sous-officiers ou aux hommes de troupe. Je n'oublierai pas
non plus que durant les interrogatoires à Jereida, certains d'entre
nous furent enfermés pendant des heures voire des jours dans des
endroits qui servaient de toilettes. A cela s'ajoute tout ce que nous
avons pu subir comme torture physique ou assassinat.
Un officier, arrêté en octobre 1987 et relâché en novembre,
raconta à Human Rights Watch/Africa comment la politique visant à
diviser la population noire l'a aidé à être relaxé: il était soninké
alors que le gouvernement ciblait particulièrement les Pulaars.
J'ai été arrêté à Zouérate et ramené sous escorte à Nouakchott à
la fin du mois d'octobre. J'ai été interrogé à Nouakchott et ensuite
conduit à Jereida. Ils voulaient me relâcher parce que j'étais soninké.
Ils ont comme politique de diviser les Noirs. Ils ont torturé mes
collègues, dont le Lieutenant Niokane. J'ai pu échapper à la torture car
l'un des officiers me connaissait. J'ai passé trois jours dans la
prison de Jereida, puis gardé au secret pendant dix jours à Nouakchott
avant d'être libéré en novembre .
LES TORTURES ET LES CONDITIONS DE DETENTION
La plupart des nombreuses personnes arrêtées du fait de leur lien
présumé avec les opposants noirs au gouvernement furent torturées. Les
anciens prisonniers politiques et les détenus qui décrivirent les
tortures soulignèrent que la torture n'était pas seulement largement
utilisée mais qu'elle était d'une particulière brutalité. La libération
était souvent assortie de menaces, accompagnée de surveillance et du
conseil de ne pas quitter le pays. A la fin de 1990 et au début de
l'année 1991, le gouvernement organisa la rafle de Noirs la plus large
et la plus brutale à ce jour: 3.000 militaires et fonctionnaires furent
détenus au secret et la plupart d'entre eux furent cruellement torturés.
Cinq cents au moins furent sommairement exécutés ou torturés à mort.
L'ampleur des ces atrocités souligne clairement l'absence de limite dans
la brutalité que les autorités peuvent utiliser à l'égard des
prisonniers, et cela en toute impunité.
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