lundi 18 novembre 2013

Mauritanie: Pardonnons mais n'oublions jamais:L’Épuration ethnique au sein de l'armée (1987-1991).

Le 17 octobre 1987, le gouvernement annonça la découverte d'un complot de coup d'Etat ourdi par un groupe d'officiers noirs. Cinquante et un officiers furent arrêtés, détenus au secret et soumis à des techniques brutales d'interrogatoire, notamment à la privation de sommeil. Les officiers furent inculpés d'atteinte à la sûreté de l'Etat conformément aux articles 83 à 90 du Code pénal pour avoir participer à un complot destiné à renverser le gouvernement et à provoquer la mort d'habitants du pays . Ils ne furent autorisés à contacter leurs avocats qu'à partir du 18 novembre, jour du procès. Le procès se déroula selon une procédure spéciale d'urgence, employée lorsque les défendeurs sont pris en flagrant délit. Le 3 décembre, trois d'entre eux furent condamnés à mort; dix-huit furent condamnés à la prison à vie (dont deux qui moururent en détention en 1988 du fait des conditions épouvantables de leur emprisonnement --voir infra la section concernant "les tortures et les conditions de détention"); neuf furent condamnés à vingt ans; cinq à dix ans; trois à cinq ans; six furent condamnés à cinq ans de prison avec sursis et à de lourdes amendes; enfin sept furent acquittés. Aucun des condamnés ne fut autorisé à interjeter appel. Les trois officiers condamnés à mort furent exécutés le 6 décembre. Il s'agissait du Lieutenant Sy Saidou, du Lieutenant Bâ Seydi et du Lieutenant Sarr Amadou.



L'un des officiers arrêtés décrivit les conditions de détention:


Mes camarades ont été exécutés après avoir passé quarante-cinq jours à Jereida, parfois dans des cellules individuelles de quatre-vingt-dix centimètres sur quatre-vingt-dix, ou dans des cellules collectives de deux mètres et demi sur trois, ou d'autres dans des cellules pleines de puces et de poux, ou enfin dans des cellules réservées aux sous-officiers ou aux hommes de troupe. Je n'oublierai pas non plus que durant les interrogatoires à Jereida, certains d'entre nous furent enfermés pendant des heures voire des jours dans des endroits qui servaient de toilettes. A cela s'ajoute tout ce que nous avons pu subir comme torture physique ou assassinat.


Un officier, arrêté en octobre 1987 et relâché en novembre, raconta à Human Rights Watch/Africa comment la politique visant à diviser la population noire l'a aidé à être relaxé: il était soninké alors que le gouvernement ciblait particulièrement les Pulaars.



J'ai été arrêté à Zouérate et ramené sous escorte à Nouakchott à la fin du mois d'octobre. J'ai été interrogé à Nouakchott et ensuite conduit à Jereida. Ils voulaient me relâcher parce que j'étais soninké. Ils ont comme politique de diviser les Noirs. Ils ont torturé mes collègues, dont le Lieutenant Niokane. J'ai pu échapper à la torture car l'un des officiers me connaissait. J'ai passé trois jours dans la prison de Jereida, puis gardé au secret pendant dix jours à Nouakchott avant d'être libéré en novembre .



LES TORTURES ET LES CONDITIONS DE DETENTION
La plupart des nombreuses personnes arrêtées du fait de leur lien présumé avec les opposants noirs au gouvernement furent torturées. Les anciens prisonniers politiques et les détenus qui décrivirent les tortures soulignèrent que la torture n'était pas seulement largement utilisée mais qu'elle était d'une particulière brutalité. La libération était souvent assortie de menaces, accompagnée de surveillance et du conseil de ne pas quitter le pays. A la fin de 1990 et au début de l'année 1991, le gouvernement organisa la rafle de Noirs la plus large et la plus brutale à ce jour: 3.000 militaires et fonctionnaires furent détenus au secret et la plupart d'entre eux furent cruellement torturés. Cinq cents au moins furent sommairement exécutés ou torturés à mort. L'ampleur des ces atrocités souligne clairement l'absence de limite dans la brutalité que les autorités peuvent utiliser à l'égard des prisonniers, et cela en toute impunité.

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