samedi 16 novembre 2013
Appréciation des propositions de la commission cohérence territoriale de la région de Saint-Louis : Pourquoi scinder le département de Podor ?
Sur le Pôle-Territoire-Fleuve et le découpage de l’actuelle région de Saint-Louis en 4 départements (Saint-Louis, Dagana, Podor et Peté) il n’y a rien à dire. Sauf que l’Administration ne doit pas revenir sur la proposition de la commission, qui a bien apprécié l’étendue territoriale de l’ancien département de Podor, en érigeant les arrondissements de Thillé Boubacar et Gamadji Saré en département ayant comme chef-lieu Podor, les arrondissements de Saldé et Cas-Cas en département ayant comme chef lieu Pété pour une proximité et une accessibilité géographique et aux services. C’est le découpage des départements de Podor et de Peté en communes (12 pour Podor et 13 pour Peté) qui irrite à tel point qu’on se demande si les membres de la commission de cohérence territoriale connaissent bien l’ancien département de Podor.
Dans ma contribution de mars 2013, intitulée L’érection du département de Podor en région administrative répond aux exigences de développement économique, social et culturel, j’avais souligné que tous les services déconcentrés de l’Etat existent à Podor, sauf le service des impôts installé toujours à Dagana, mais sont incapables de satisfaire les besoins des populations vu leur manque de moyens et leur éloignement pour régler les problèmes avec promptitude. Le département de Podor ne voit ni gouverneur ni chefs de service régionaux. La sous-administration du département par la non-existence de circonscriptions administratives et de collectivités locales dans le Dieri, le maintien du découpage laissent apparaître les conditions d’isolement, d’enclavement, de manque d’infrastructures de base, bref l’oubli du vaste Dieri. A cause de la distance et de l’existence de 12 communes, le Préfet est fréquemment représenté par le sous-préfet dans les réunions des Conseils municipaux. Ce constat est un grand signal assez convaincant pour justifier l’échec de la politique de déconcentration et du découpage du département. Même si le préfet demeure le chef hiérarchique du sous-préfet, ce dernier n’est pas le représentant de l’Etat auprès des communes mais plutôt auprès de Communautés rurales. La comparaison de l’occupation administrative de la rive gauche et de la rive droite du fleuve Sénégal (un seul préfet en face de sollicitations de quatre préfets) illustre le fait qu’à Podor l’Administration n’est pas proche de l’administré, alors que c’était la principale préoccupation de la dernière réforme de l’organisation administrative. Cela recommande une administration de proximité et une sécurité renforcée. Sur tous ces points, vu la faiblesse des moyens financiers, des ressources humaines et l’insuffisance des crédits alloués aux autorités administratives et aux services déconcentrés, au moins le fait de créer le département de Peté contribuera à rapprocher les services déconcentrés de l’Etat, à gérer au mieux les 12 collectivités locales comprises dans son ressort territorial et d’avoir 2 interlocuteurs (préfets de Bababé et de Mbagne) au lieu de 4 avec l’ancien departement de Podor.
Au moment où on parle de proximité, de rupture, les autorités régionales de Saint-Louis décident le découpage communal sans une concertation inclusive et participative avec les représentants des populations, de la société civile et du secteur privé, qui ont quand même un point de vue à émettre par rapport à l’Acte 3 de la décentralisation. J’insiste que la commission de cohérence territoriale a oublié le vaste Dieri du département de Podor, en n’y proposant pas de circonscriptions administratives ni de collectivités locales. Et même pour l’existant, on a supprimé d’anciens sièges de collectivités locales (Guédé Village, Bodé Lao) en créant de nouveaux sièges dépourvus d’un minimum d’infrastructures de base. Dans l’Ile à Morphil déjà enclavée, il existait 4 communes (Podor, Niandane, Démette et Walaldé) et on en a proposé 3 (Thielaw, CasCas, Saldé), mais on se demanderait si la proposition de création de ces communes a respecté les critères spécifiques en termes de démographie, de niveau d’équipement, de rayonnement économique, de typologie des activités et la localisation géographique. Ou la cohérence territoriale, quand on la définit comme la capacité à polariser les différents niveaux de services nécessaires à la vie quotidienne des habitants et à organiser leur répartition égalitaire et équitable dans tout le territoire. On maintient, on crée toujours sur la RN2 : Fanaye, Dimar, Ndiayenne Pendao, Taredji, Lerabé, Gamadji Saré, Ndioum, Dodel, Aéré Lao, Doumga Lao, Madina NDiathbé, Golleré, Meri, Mboumba, Peté, Galoya Toucouleur, Mbolo Birane. Et on en supprime et on rattache, on ne sait sur quelles bases : Guedé Village, chef lieu de la Cr du même nom (décret 80-086 du 29 janvier 1980 portant création de communautés rurales dans la région du Fleuve) n’est plus chef lieu et est rattaché à la nouvelle commune de Taredji, la commune de Bode Lao rattachée à la commune de Aéré Lao, la commune de Guédé Chantier rattachée à la nouvelle commune de Lerabé. Les villages de Dioude Diabé, Fondé Elimane, Bito, Thioubalel, Souraye, Abdallah, Wouro Alphaly, ne savent plus à quel Dieu se vouer. De 1980 à 2008 dans la communauté rurale de Mboumba, à partir de 2008 ils sont intégrés à la nouvelle communauté rurale de Mery et avec les propositions de la commission cohérence territoriale, on les renvoie à leurs vieilles amours, à la commune de Mboumba.
Ce sont les seuls villages de l’Ile à Morphil qui doivent enjamber le Doué comme à l’ère des Ardo, Diom, Almamy, pour les besoins de participation aux activités de leur collectivité locale. Heureusement que les propositions n’étaient que des rêves, et lesdits villages se sont réveillés maintenus dans la commune de Mery. On isole l’Ile à Morphil avec des communes plutôt tournées vers la Mauritanie, des communes dans le Moyen Dieri c’est-à-dire sur la fameuse RN2 pour s’occuper du Dieri oublié et enclavé, qui ne dispose d’aucune autorité de proximité pour diminuer les souffrances de ses populations. Toutes ces collectivites locales ne comptent que sur l’aide de l’Etat (aucun effort pour la mobilisation des ressources locales pour toutes les collectivités locales). La contribution des pouvoirs locaux à la mise en valeur de l’espace national et à la réalisation d’équipements et d’infrastructures reste dérisoire. C’est contre cette incohérence dans le découpage, sans respect de l’aménagement du territoire et sans leur avis, que les populations ont commencé à réagir par des manifestations. Pour mettre fin à cette situation de remous permanents qui allait se répandre sur l’ensemble du departement de Podor, les acteurs de la décentralisation du département ont organisé une réunion à Ndioum le 28 août 2013, pour d’abord une mise à niveau après la déclaration du ministre de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales sur l’état des travaux de l’Acte 3 de la décentralisation, et pour harmoniser les points de vue sur l’Acte 3 de la décentralisation. Ils ont ensuite approuvé à l’unanimité une résolution pour appeler les autorités à plus de concertation et de consultation avant toute prise de décision aussi importante, surtout que le découpage renvoie à un espace, donc au foncier. Les premiers concernés doivent d’abord en discuter avant toute proposition. Enfin, les acteurs ont tenu un point de presse pour informer l’opinion sur les résultats de leur réunion et répondre aux questions éventuelles des journalistes. On ne peut pas arriver à une cohérence territoriale sans prendre en compte les préoccupations de toutes les populations. Ce travail de cohérence territoriale dans le departement de Podor devrait se faire par la division du departement en entités représentatives en fonction des critères éco-géographiques, démographiques, économiques (Walo, Moyen Dieri, Dieri), ateliers regroupant les élus, les organisations de producteurs, les groupements féminins, les associations de jeunes, les chefs coutumiers, etc.
Dans la situation actuelle sur le plan de la déconcentration administrative et vu l’étendue du département de Podor, on doit se contenter du découpage de Podor en 2 départements (Podor et Peté) pour rapprocher l’Administration de ses administrés et à l’avenir l’Etat doit mettre fin aux conditions d’isolement, d’enclavement, de manque d’infrastructures de base du vaste Dieri (le Sénégal oublié). Du fait des disparités démographiques qui traduisent la valeur inégale accordée à l’espace : le Sénégal utile et le Sénégal oublié ; pour preuve, il est bien possible qu’il n’existe qu’un seul Sénégal utile, et l’exemple de Ranerou est édifiant. Du rang de Sénégal oublié, d’une baguette magique de l’Etat, de statut de communauté rurale isolée dans le Ferlo, elle a été érigée en département, avec adjonction des deux communautés rurales du departement de Linguère (Vélingara et Louguere Thiolly) et est devenue du coup commune, étant devenue chef-lieu d’un département. De ce fait aujourd’hui, toutes les infrastructures dignes d’une ville sont disponibles à Ranerou hier oublié. Le Dieri oublié du département de Podor doit devenir urgemment le Dieri utile comme Ranerou.
Disposant d’un visa biométrique, je vais terminer ma randonnée par la Communauté rurale de Boké Dialloubé, abordant son éventuel découpage. La communauté rurale comprend 4 zones écologiques : Ile à Morphil, Moyen Dieri, Haut Dieri A, Haut Dieri B. A l’origine, toutes les populations de la communauté rurale vivaient dans l’Ile à Morphil et le Moyen Dieri. La grande partie des terres du Walo, de ses populations, sont dans l’Ile à Morphil. C’est pourquoi les villages s’y trouvant sont installés sur les berges du fleuve Sénégal et du Doué. L’occupation de l’espace ne se fait qu’au moment de la décrue pour les travaux champêtres (préparation du sol, semis, cultures, surveillance, récolte, etc.) La proposition de scinder la Cr en 2 communes, la commune de Saldé se confinant dans l’Ile et le reste dénommé commune de Boké Dialloubé sans Gadiobé, rattaché à la commune de Peté, ne répond pas aux vœux des populations. D’une part les populations qui gèrent ces espaces et qui n’ont jamais cessé de les exploiter, n’ont pas été consultées pour donner leur avis, même s’il ne devait être que consultatif, d’autre part les 2 zones, Ile à Morphil et Moyen Dieri sont complémentaires, et si jamais on devait créer des communes, il est souhaitable qu’il y ait une commune Ile A Morphil et Moyen Dieri, et une autre commune réunissant le Haut Dieri A et le Haut Dieri B, pour maintenir la cohésion sociale de la zone, permettre ainsi aux paisibles populations d’utiliser de manière rationnelle les ressources et les potentialités de leurs terroirs dans le but de satisfaire leurs besoins immédiats et futurs, pour un développement socio-économique de la zone
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