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L’acte 3 de la
décentralisation est en phase d’études, le parcours vécu est en train d’être
revisité pour améliorer la gouvernance locale et chemin faisant, jeter un
regard critique sur la déconcentration du pouvoir central.
C’est cette
opportunité, ce prétexte que voudrait saisir l’Union des ASC de l’Ile à Morphil,
pour réactualiser le débat sur l’érection du département de Podor en Région, et,
pour ce faire, sonder l’opinion des habitants de ce territoire en vue d’asseoir
un argumentaire crédible, apte à porter le projet.
En somme, le projet est
celui d’un développement qui s’arcboute sur une administration de proximité
performante et efficace, une administration proactive susceptible de répondre
et d’accompagner les acteurs pour des avancées significatives et transformer
les potentialités riches et multiples de cet espace en réalisations effectives,
sources d’un mieux-être et donc d’un mieux-vivre.
Le Fouta Toro qui
correspond à la moyenne vallée, a de tout temps aiguisé les appétits et fut successivement
occupé par les Berbères almoravides et les Français avec l’intermède de
l’Almamimyat qui instaura un Etat théocratique inspiré par Souleymane Ball et
Cheikh Oumar Foutyou Tall.
Podor et le royaume
Tékrour furent la porte d’entrée de l’Islam au Sénégal et l’ancrage de cette nouvelle civilisation dans le
département s’est traduit par une incrustation sans précédent dans le mode de
vie qu’elle a uniformisé au point qu’aujourd’hui, la chose la mieux partagée
dans le Fouta reste la mosquée qui trône majestueusement au milieu de chaque
village.
Nous évoquons cette
donnée historique pour souligner le niveau académique coranique de haute facture de cette contrée
et mettre le doigt sur la démocratisation de cet enseignement qui a produit ici
de Grandes Ecoles et des figures emblématiques. Adossé à une culture islamique
forte, qui date du Xème siècle, Podor
constitue un creuset remarquable de savoir islamique qui continuera à irriguer
le territoire national de ses connaissances fécondes. C’est un levier important
du point de vue de l’organisation sociale et de la formation intellectuelle et
spirituelle des hommes avec ses valeurs cardinales.
Cette période
précoloniale a façonné et marqué de manière indélébile le Fouta Toro et s’est accompagné
d’une redistribution de l’occupation de l’espace avec comme points d’orgue l’abolition
du « Moudo Horma »par Souleymane Ball, l’instauration de l’Almamyat
par l’intelligentsia islamique local,et l’incubation et la mise en perspective
et en œuvre du Djihad par Cheikh Oumar Tall
qui devait donner naissance à un empire
musulman qui sera déconstruit avec l’occupation française et l’ouverture sur ce
que Cheikh Hamidou Kane appellera l’Aventure ambiguë.
La contrée a vécu un
processus historique multiforme et multidimensionnel de plusieurs siècles et a
engrangé une expérience organisationnelle sans précédent bâtie sur le village
et autour des ensembles que sont le Dimat, le Toro, le Halabé, le Lao qui donna
7(sept) Almamys avec le village de
Mboumba, le Yirlabé, le Bosséa, le Nguenar et le Damga entre autres .Ces
organisations étaient centrées sur le fleuve Sénégal qui unissait deux entités
complémentaires de part et d’autre de celui-ci.
Si la chute et
l’éclatement de l’empire Abbasside s’est
traduit dans le redéploiement de l’Islam
par l’envahissement de l’Afrique du Nord ,la Péninsule ibérique et Cordoue en
particulier ;les rives du fleuve Sénégal ont été un réceptacle et un
terreau fertile pour le développement d’un bourgeon islamique résultant des
apports fécondants d’une culture externe et un milieu quasi païen , mais
riche de ses traditions ancestrales, faites de courage de bravoure et
d’endurance, vivant de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la
foresterie.
Tous les ingrédients
étaient réunis là pour recréer les conditions avec le proche Sahara et la
vallée du fleuve, l’espace géographique qui a vu naitre l’islam, à savoir le
désert arabique, l’Euphrate et le Tigre en Syrie et en Irak.
La pénétration
coloniale française réorienta la trajectoire historique et dès lors deux
logiques sous tendus par des visions et des conceptions de la vie différentes,
s’affrontaient sur le terrain du Fouta .La France, avec deux outils redoutables
que sont l’armée et l’Ecole entreprit de déstabiliser le système politique, social, éducatif et culturel
trouvé sur place. Elle institua les cercles de Podor et Matam entre autres avec
des Commandants militaires à leur tête et des écoles primaires pour les besoins
de son administration, de son occupation avec un souci d’assimilation sur le
long terme.Des cantons dirigés par des notabilités locales complétaient le
dispositif d’encerclement, d’asservissement et de contrôle du territoire et de
ses occupants. Les stratégies de tous ordres et de toute nature mises en œuvre
pour la pacification et la mainmise sur le pays finirent par échouer au bout du
compte.C’était quelque part méconnaître le tempérament belliqueux des
autochtones, leur esprit de résistance et surtout le degré de pénétration de
l’Islam qui avait conquis les cœurs et les esprits.Le ver était déjà dans le
fruit et les germes d’un retournement de situation étaient inscrits dans le
projet initial d’occupation et d’exploitation du colon.
Pour atteindre leurs
objectifs dans le cercle de Podor,le fort de Faidherbe fut construit et l’école
primaire fut ouverte en 1894, suivie de celle de Saldé en 1896 et tous les chefs-lieux
de cantons furent dotés des mêmes instruments d’éducation et de formation pour
se doter d’auxiliaires et d’intermédiaires pour l’administration coloniale.
En 1963,le Département
de Podor comptait moins de 10 CM2 et l’examen d’entrée en 6eme organisé cette
année permit d’ouvrir le premier établissement secondaire à Podor comprenant
une classe avec moins de 50 élèves.Mais les élèves ressortissants du
département peuplaient depuis longtemps les Lycées de St Louis et Dakar, les Universités
françaises où ils excellaient et sortaient avec des diplômes divers et très
prisés.
Le Sénégal indépendant,
dans le cadre de la politique du renforcement et de l’accélération de la
formation et de l’éducation de la jeunesse pour se doter d’une élite et de
compétences à tous les niveaux,entreprit à pas de charge la construction
d’établissements de tous les niveaux et le département acquis une base solide
qui se traduit aujourd’hui par un niveau de scolarisation satisfaisant comme en
témoigne la présence massive des filles dans les salles de classe. Au jour
d’aujourd’hui, on dénombre un peu plus de 350 écoles élémentaires, 51 Collèges,
plus de 14 Lycées d’enseignement général et aucun établissement d’enseignement
supérieur, ni de formation professionnelle et technique. Il a résulté de ce
processus de formation un niveau intellectuel fort appréciable qui a valu au
département, à tort ou à raison le sobriquet de Quartier Latin du Sénégal.
Le département de Podor
est essentiellement rural et agricole ;la carte scolaire ci-dessus
esquissée devrait en partie dans son évolution prendre en compte les
spécificités socio-économiques de la
zone, et en perspective l’urgence d’un Lycée agricole, et d’un établissement
d’enseignement supérieur de même nature sont inscrits dans une logique de
cohérence surtout quand on sait que sur les 240000ha irrigables de la vallée,
les 120OOOha ,soit 50% sont le patrimoine fondamental de Podor.
Les enjeux sont énormes
et la dynamique en cours dans tous les secteurs d’activité place le département
dans une perspective de mutations profondes capables de porter et de booster le développement et faire jouer à
cette partie du pays sa partition dans l’émergence.
Pour atteindre la
vitesse de croisière, la formation reste et demeure l’un des intrants, l’un des
inputs qu’il faudra privilégier.
La
mondialisation /globalisation que nous vivons et qui induit un contact
permanent de tous les coins de la terre où l’émigration a porté nos
ressortissants, par un phénomène de feedback impacte positivement sur la
région.
Selon Gaston BERGER, le
fondateur de la prospective « l’avenir est lourd de possibilités
indéfinies. Nous ne savons ni ce qu’il détruira :-tout est précaire-ni ce qu’il
apportera-tout est possible ».Il assène : « si l’avenir est
ouvert, si demain n’est pas à attendre mais à inventer, il faut opérer entre
l’homme et son milieu une adaptation réciproque ». La question « où
allons- nous » devient qu’allons- nous faire ?
Le zoom sur
l’architecture de nos Institutions pour remettre la pertinence au cœur de leur
marche, la relecture de certains textes fondamentaux tels que ceux relatifs au
foncier et à la décentralisation militent en faveur d’une contribution des
acteurs à la base pour exprimer leur point de vue et participer ainsi à l’œuvre
de construction nationale.
Or, il se dégage
présentement une opinion favorable à l’érection de Podor en région pour hisser
le département au niveau de Kaffrine, de Kolda, de Kédougou etc. et permettre,
ce faisant d’outiller cet espace d’instruments administratifs et juridiques de proximité
et de pilotage capables de prendre en charge la problématique du développement
et en conséquence les aspirations profondes au changement des populations. En
réalité, cette tendance lourde qui avait été perçue par le régime précédent et
l’avait à la limite acceptée n’est motivée que par un rapprochement de haut
niveau de l’administré et de l’administration pour que dans une symbiose et
complicité actives ,le département se
positionne parmi les leaders du développement agricole que le chef de l’Etat
dans sa stratégie de développement économique et sociale place en pole
position.
Le sondage effectué sur
le territoire départemental exprime une
forte adhésion populaire à ce projet et ne prend pas en compte les émigrés et
résidents dans les autres villes. C’est à la limite une demande sociale
prégnante de tous les segments et de toutes les couches de la population dont
le projet tient à cœur.
Ce plaidoyer porté par
l’Union des ASC de l’Ile à Morphil
élargie à d’autres association se veut comme une incarnation et la
traduction d’un profond sentiment de dépassement et d’ouverture sur l’autre
dans la cohésion et le partage avec en arrière- plan et toile de fond le
développement économique et social de notre pays. Il est attendu
individuellement et collectivement un sursaut national pour lutter contre
toutes les formes de précarité et en particulier la pauvreté et la réforme ou
l’ajustement suggéré est une piste sinon de réflexion du moins de contribution
pour des lendemains meilleurs bâtis sur la concorde et une gouvernance de
proximité.
Riche d’une trajectoire
plus que millénaire, alimentée, nourrie et fécondée par deux courants de
pensée, venus de l’Orient et de l’Occident ,le Fouta chemine allégrement vers
le confluent du rendez-vous du donner et du recevoir de L.S.Senghor en se
renouvelant et se remodelant sans se renier, au contact de ces apports
extérieurs. La résultante de ce parcours, tout naturellement, est d’entrer en
osmose avec le reste du Sénégal pour construire un espace unitaire et diversifié
.La structure mentale dans des rapports dialectiques avec la structure sociale,
spécifiée par cette évolution historique ,apparait aujourd’hui comme un atout de taille pour couver,
fructifier et éclore la régionalisation .Il ne fait aucun doute que ce projet
de régionalisation est un facteur d’amplification et de facilitation du
développement en raison de sa capacité à lever certaines contraintes et baliser
un itinéraire lourd des potentialités locales à transformer en ressources
consommables de toute nature dans l’intérêt bien compris de la nation.
La mobilisation des
énergies, et de toutes les énergies sous
toutes leur forme et leur reconversion en forces productives, leur canalisation
vers et dans un projet de développement à même de lutter contre la pauvreté
quasi endémique dans cette partie de
notre pays est l’un des motifs principaux de notre démarche.
C’est un paradoxe que vit la vallée du fleuve
Sénégal. L’eau a toujours été une source
de conflit, de compétition de bagarre, de vie et a permis la sécurité
alimentaire de se développer sur ses flancs et partant, autoriser l’éclosion et
le développement d’une civilisation et d’une culture raffinées. C’est un
postulat. Comment expliquer dès lors cette exception sénégalaise ? Par
manque d’une structure centrale forte capable d’impulser et de propulser une
telle trajectoire, par une absence de génie créateur, ou tout simplement par
manque de temps ? Quoi qu’il en soit, le gap est énorme et des indicateurs
d’un autre âge côtoient des éléments de modernité que sont le tracteur et
l’internet. Des images invraisemblables telles qu’un cultivateur avec sa daba
et le téléphone portable à l’oreille sont devenues banales et pourtant combien
énigmatiques.
Les ruptures prônées
par le chef de l’Etat sont les bienvenues et la Gouvernance locale reste un
chantier de premier ordre. Certains textes fondateurs sont caducs et doivent
céder la place à l’esprit du novateur. Parce qu’en dernière analyse il s’agit de Vision,
de Politique lesquelles sont inspirées par un Homme avec un programme nourri
avec les besoins, les soucis, les aspirations, et les attentes des hommes. Ce
lien ombilical entre une politique et des attentes est le facteur nodal de tout
développement.
La régionalisation de
Podor est une attente que nous pensons capable de combler les gaps, les
manquements et les insuffisances constatés et vécus par les populations. La
problématique est complexe, nous en convenons, mais n’en pensons pas moins que
pour une métamorphose profonde, à la dimension du parcours historique tout
aussi complexe, des mesures hardies de gestion de proximité sont nécessaires.
La communalisation
universelle qui est aussi agitée, liée à une administration insuffisante des
villages est un élément important dans le cadre des réformes annoncées
En conclusion un
constat : le Sénégal des indépendances s’était doté de 7(sept) régions,
épousant les contours des grandes zones éco-géographiques du pays donc tournées
vers des spécificités locales, organisées autour de grands pôles de
développement .Chemin faisant, d’autres considérations ont été prises en compte,
parmi lesquelles la dimension politique et on se retrouve aujourd’hui
avec14(quatorze) régions administratives. En se référant et s’appuyant sur des
considérations économiques, sociales,
culturelles, historiques et de gestion
de proximité, on peut valablement estimer que Podor a atteint un stade qui
milite en faveur d’un saut qualitatif qui le hisserait au statut d’une Région
Administrative pour lui permettre d’extérioriser et d’exprimer pleinement ses
multiples potentialités dont la ressource humaine, fondement de tout devenir et
de tout avenir porteur de croissance, étant entendu que
tout part et revient à ce paradigme.
Très pertinent et illustratif ce texte qui motive la régionalisation de Podor.
RépondreSupprimerMerci 2iw vous appelez à l'améliorer
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