dimanche 7 juin 2015

Madina-Ndiathbé : Le village d’Aram-Walo sous l’emprise féodale d’un marabout

Madina-Ndiathbé : Le village d’Aram-Walo sous l’emprise féodale d’un maraboutLeroi-marabout Bouna Oumar Ndiathie s’oppose à la cérémonie des talibés de Baye-Niass 
La gendarmerie intervient et impose la liberté de culte. 
Situé dans la commune de Madina-Ndiathbé, le village d’Aram-Walo, peuplé en majorité de Haal Pulaar, est sous l’emprise féodale d’un roi-marabout du nom de Bouna Oumar Ndiath qui a bâti son autorité religieuse et économique sur la peur qu’il inspire aux villageois. Lesquels, craignant ses foudres divines, s’empressent d’exécuter toutes ses volontés voire de lui remettre leurs biens qu’il convoite. Hélas, toute tyrannie a une fin et, à force de trop tirer sur la corde autoritaire, le « roi-marabout » a fini par susciter la révolte d’une partie de ses « almoudos » (disciples). Après s’être démarqués de l’autorité de leur ancien maître coranique, ces talibés sont allés créer leur propre mouvement religieux ou, plus exactement, un « dahira-Niassène ». Et ils ont voulu organiser un « thiant » (chants d’actions de grâces). Ce que le « roi-marabout » d’Aram-Walo a considéré comme de la pure provocation. Pour marquer son territoire religieux plus que jamais, il a interdit tout rassemblement initié par ses anciens disciples, quitte à faire parler les gourdins. Alertés, les éléments de la brigade de gendarmerie de Pété se sont dépêchés sur les lieux pour raisonner le marabout et faire appliquer la liberté de culte inscrite dans notre constitution. « Le Témoin » a enquêté… 

N’eut été l’intervention courageuse de la gendarmerie nationale, le sang allait couler dans le village d’Aram-Walo situé dans la commune de Madina-Ndiath (Podor).  L’autre jeudi dernier,  dans ce village maraboutique,  deux camps ont failli s’affronter à coups de machettes et de gourdins : les disciples du marabout Oumar Bouna Ndiath contre des talibés de Baye Niasse, un érudit qui a vécu à Kaolack et qui compte des fidèles jusqu’au Nigéria. A l’origine, un interdit du « roi-marabout » que ses anciens talibés voulaient braver pour organiser une cérémonie religieuse en l’honneur du vénéré Baye-Niass. Et comme la plupart de ces talibés « niassènes »  étaient ses anciens élèves et disciples, le marabout et chef de village Oumar Bouna Ndiath avait considéré  les chants religieux qu’ils voulaient organiser comme une provocation. A cet effet, il avait sonné la mobilisation des talibés et villageois soumis à son autorité pour faire régner la loi des gourdins. Laquelle devait s’appliquer dans toute sa rigueur à toute personne s’aventurant à organiser des chants  sur l’étendue de son royaume. Un royaume regroupant une vingtaine de villages. Alertés du risque d’affrontements sanglants, les éléments de la brigade de gendarmerie de Pété se sont immédiatement rendus sur les lieux au terme d’un voyage qui a duré plusieurs heures. Armés et déterminés à faire régner l’ordre républicain, les pandores ont convoqué les représentants des deux camps ainsi que les notables du village pour leur expliquer  la constitution sénégalaise  dont une disposition est relative à la liberté de religion et de culte. S’adressant au marabout Bouna Oumar Ndiath, les gendarmes lui ont fait savoir que nul ne peut interdire à des citoyens d’exercer leur liberté de culte. Sauf  l’autorité préfectorale si toutefois elle juge qu’une telle manifestation serait de nature à  troubler l’ordre public, le préfet et personne d’autre !  Cette descente de la gendarmerie a fait revenir le marabout à de meilleurs sentiments puisque les talibés de Baye Niass ont pu finalement organiser leur cérémonie dans la paix et la discipline. 

Dans ce village de « Aram Walo », nous raconte-t-on,  les populations vivent depuis des siècles dans la terreur spirituelle où toutes les décisions et déclarations de la lignée du marabout sont approuvées à travers une seule et unique réponse sur fond d’obéissance royale : « gonga ! » (« C’est vrai »  en pulaar). Un « oui » qui n’a jamais eu de sens  dans la mesure où ces villageois-sujets n’avaient pas le droit de dire « non ». Donc, « gonga » constitue la réponse politiquement correcte des populations par peur d’être « guillotinées ». A preuve, une fois que les gendarmes ont quitté les lieux après avoir remonté les bretelles au « roi-marabout »,  certains notables ont pris leur calèche  pour, profitant de l’obscurité, rallier la brigade de gendarmerie de Pété. But du voyage ? Raconter l’enfer féodal dans lequel ils vivent, de génération en génération :   « Commandant ! Billahi, on est trop fatigués par l’autorité spirituelle du chef de village alors que le Sénégal n’est plus à l’époque de la féodalité. Billahi, les enfants ont raison de se rebeller. Seulement, nous ne pouvons pas les appuyer devant le marabout… Tout à l’heure, nous avions peur de vous dire devant le marabout le calvaire qu’il nous fait vivre ! »  a notamment déclaré un notable du village d’Aram-Walo au commandant de la brigade de gendarmerie de Pété. Par contre, un talibé faisant partie de la cour du marabout a expliqué devant les gendarmes que les talibés de Baye-Niass voulaient seulement provoquer leur ex-maitre coranique Serigne Bouna Oumar Ndiath. «  La plupart d’entre eux étaient ses talibés depuis qu’ils n’avaient que cinq ans environ. Certes, ils ont grandi et sont libres de choisir leur propre chemin… Mais cela n’est pas une raison d’organiser des cérémonies religieuses sur la place publique du village pour nous provoquer » a déploré cet adepte  du marabout  Bouna Oumar Ndiath face aux gendarmes. 

Un système féodal « encouragé » par les préfets et sous-préfets craintifs 

Quoi qu’il en soit, dans ce village d’ « Aram-Walo », le marabout aurait bâti son autorité spirituelle et son autonomie économique sur la peur des villageois. Comme quoi, après chaque récolte, une part doit être cédée aux membres de la famille du marabout,  propriétaire d’ « Aram-Walo » et des villages dérivés. Sans compter le bétail dont quelques chèvres ou moutons devraient être libérés en guise d’ « Adiya » au marabout.  Un véritable empire religieux fondé sur un système féodal qui n’existe nulle part ailleurs au Sénégal que dans le Fouta.  Une sorte d « Etat islamique » version sahélienne dans une zone très conservatrice où l’influence maraboutique  exerce une pression très forte sur des villageois qui  craignent de voir les portes du paradis se fermer devant eux à leur mort s’ils désobéissent au marabout Bouna Oumar Ndiathie. Pire, la plupart  des préfets et sous-préfets  ayant servi  dans  la zone n’ont jamais voulu mettre fin à cette féodalité ancienne, de peur d’être relevés ou mutés.  Ce qui se comprend puisque certains marabouts du Diéry ont toujours usé de leur influence pour  faire croire aux  populations et  autorités   préfectorales qu’ils étaient à l’origine des élections des  présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall. Ce, de  par leurs pouvoirs mystiques. Heureusement que le Sénégal a la chance d’avoir une gendarmerie républicaine qui prend ses responsabilités pour faire régner l’ordre public là où les préfets et sous-préfets s’éclipsent… 
« Le Témoin » quotidien ( Samedi 06 Juin 2015) 

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