vendredi 5 décembre 2014

L’homme d’état et « l’homme des tares »

Abdou tout court ou suivi de Laye, le téléfilm pourrait être titré Diouf - Wade,  le duel mortel de frères  siamoises indissociables, deux personnages inséparables pour conter de l’histoire du Sénégal moderne.
 De 1974 date de création du parti démocratique sénégalais (PDS) au sommet de la francophonie qui vient de baisser les rideaux ; les sénégalais ont été les spectateurs d’un feuilleton vieux de 40 ans sous fond de rivalité, d’antagonisme, et d’inimitiés cordiales.
Oui les rideaux viennent de baisser sur le sommet réussi au passage de la francophonie, mais aussi il en est  de même et en même temps de la carrière politique  d’  Abdou Diouf.
Chacun des présidents venus répondre à l’appel de langue française a souhaité, désiré et convoité le privilège et  l’insigne honneur de devenir le major d’homme qui ouvrirait la grande porte de sortie de l’histoire pour ce Monsieur hors du commun.
Des plus jeunes comme Ibrahima Boubacar Keita au discours plein de solennités africaine avec des passages du genre « grand frère Abdou, vous êtes une référence pour nous tous », ou de  Joseph Kabila tout aussi inspiré que catégorique quand il décrète  « On ne remplace pas Abdou Diouf, on le succède » repris plus tard dans le premier discours justement du successeur de son excellence, la canadienne  Mickaël Jean, en passant par le vieux Paul  Biya et même le grand chef blanc ;qui  reconnait que  Abdou Diouf  « est homme sage et que cela n’a rien à voir avec l’âge  » qu’il est « un homme d’expérience et cela n’a rien avoir avec ses années passés dans l’administration.. » tous s’honoraient de participer à ériger et aménager ce grand boulevard que l’homme de la discrète Elisabeth doit prendre pour un repos bien mérité après plus d’une soixantaine d’années de  bons et loyaux service auprès de ses concitoyens .
C’est un Abdou Diouf  « littéralement foudroyé dans le bon sens  » selon ces propres termes définitivement entré dans le panthéon  de l’histoire glorieuse du Sénégal moderne, un salon d’honneur malheureusement peu fréquenté par des hommes politiques.
Un vrai  signe  du destin puisse que c’est  cet homme  «  né un certain mardi 11 décembre 1961  dans le cercle de Fatick » le  jour ou lui  Diouf , prenait à Kaolack ses fonctions de gouverneur de la région du Sine Saloum ,c’est celui-là lui-même devenu quatrième président du Sénégal  qui vient  pour le dernier acte de sa vie public, écrire en lettre d’or son nom sur la plaque d’inauguration du centre internationale de conférence de  Abdou Diouf(CICAD) de Diamniadio.
Vives émotions quand les deux Présidents Sénégalais s’échangeaient devant un parterre de tyrans et de dictateurs dans la tête de qui trotte encore  le désir devenu suicidaire de nos jour de modifier la constitution pour s’agripper encore au pouvoir, Macky et son ainé exposent et dégustent  les judicieux  fruits d’une vraie démocratie  de l’Afrique subsaharienne, enclenché par la  mise en place par Senghor du multipartisme dès les années 70, alors que  plusieurs années après le parti unique   est resté à la mode partout en Afrique .
Un multipartisme et une démocratie  confirmait par la première alternance de 2000 rendu possible par les félicitations du président Diouf à son challenger d’antan.
C’est un fait à ne pas nier, à un certain moment, quelque part dans la salle, la république du Sénégal a ravi la vedette à toute la francophonie. Macky Sall et Abdou Diouf ont hypnotisés et plongés l’assistance dans l’un de ces jours de bonheurs immenses et inoubliables quand tout  simplement la fierté d’être sénégalais ne trouve pas mot dans le dictionnaire pour l’illustrer.  
Ce sont ces jours, ou une overdose d’émotion abat notre cerveau, corrompt  nos yeux qu’elle remplit de sensations fortes   traduite en liquide sous forme de larmes parfois de joie, parfois de peine collective : comme ces moments de liesses folles durant  la coupe du monde 2002 ; ou de tristesse intense quand le peuple reconnaissant joue avec Jules François Bocandé son dernier match à Demba Diop.
Ce sont ces instants ou  à un pas du chaos un certain 23 juin les sénégalais réformistes  comme défenseurs de la constitution se sont vues rappelés à l’ordre par la voix mythique et mystérieuse du patriarche Sérigne Abdoul Aziz Sy : les morts ne sont  guère  morts, ils sont dans les bandes passantes des cassettes vidéos pour parler à leur progéniture aux temps opportuns.
Oui « Diouf is back » et comme le jour d’un certain 19 mars 2000, il a  repris  le stylo, écrit à nouveau en lettre de noblesse, avec toute l’éloquence et l’élégance requise une nouvelle page de l’épopée du Sénégal. 
C’est encore la grande dernière prouesse  de l’homme Abdou Diouf, géant aussi bien par la  taille que  par l’œuvre pour amener le peuple sénégalais à oublier les douloureuses années d’ajustements structurels passées en sa compagnie.
A cet instant précis, quand le peuple rendait un  hommage appuyé à Abdou, Laye son adversaire et rival de toujours à lui préférer profaner son statut d’ancien  président dans les immondices,  d’une  place de l’obélisque encore fertile et luxuriante du sang du héros du 23 juin Mamadou Diop. Cet  homme pieux, ce muézin qui a fait son dernier appel à la prière  sur cette place mythique avant d’être littéralement  broyer par un « dragon » de la répression d’un président décidé à transformer notre démocratie en dynastie :
Un Mamadou Diop à ne pas confondre,  avec  Decroix, dont la sympathie décroit de jour en jour dans le cœur des sénégalais depuis qu’il a mis une croix sur sa fidélité et son amitié à Landing pour rester dans les bonnes grâces de Wade, devant ainsi le symbole de toute cette race d’opportunistes et de sadiques qui n’hésitent point à abuser de l’angoisse  d’un vieux  de 90ans,malade de mégalomanie pour assouvir leur destin sournois. Un homme qu’ils ont fait commettre l’erreur de rester dans la rue au propre comme au figuré.
Et  le C.I.C.A.D était trop exigu en réalité pour le père de Sindjili, un homme qui souffrirait le martyr à   s’asseoir pour écouter l’apologie fait à des sénégalais autres que son fils et lui.
Il sera gêné et peiné  s’il se prenait au piège de  l’otage d’une cérémonie ou la communauté francophone dans sa totalité  s’est passé le mot, décidée à  immortalisé son  rival pour service rendu, alors que, lui, ancien président du Sénégal ne s’était résigner à parrainer la candidature d’Abdou Diouf qu’après être tordu la main par Jacques Chirac l’ancien président Français.
Il aurait été dans le même inconfort s’il se retrouvait devant Moussa Touré qu’il a fait perdre la présidence de la commission de  l’U.E.M.O.A au profit du malien Soumaila Cissé ou si la F.A.O avait décidé de fêter Jacques Diouf qu’il a voulu humilier en pleine tribune des nations unis. 
Le plus grand intellectuel du cap au Caire, géniteur du plus grand génie que le Sénégal n’est jamais eu : comme un bœuf pris dans l’ornière, perdu dans les labyrinthes de ses  pernicieux calculs politiciens ne parvient pas à emprunter la même porte que son rival de toujours pour  sortir de la vie public  et demeurer héros dans la mémoire collective.

Il avait  bien choisi la vitrine  francophonie, pour déclencher et faire détonner la bombe artisanale, ce cocktail Molotov fabriqué à partir de la rumeur de scandale à Arcelor Mittal, et assaisonné à la sauce Aliou Sall du nom du frère du président qui serait l’équivalent tout trouvé  du jet-setter Karim pour faire croire  aux sénégalais que leur nouveau régime fait du Wade sans Wade . Le but étant bien sûr, sur les débris, les cendres et l’affolement qu’aurait provoqué l’attentat, récupérer le fils prodigue, cet ancien  candidat malheureux à la mairie de Dakar, humilié jusque même dans son propre bureau de vote, cet homme et ses fanatiques qui croient fermement  que la prison a pu relooké et retapé  leur mentor.
Aussi par la victimisation, telle une baguette magique d’un clown de cirque qui transformerai l’arrogant chef de la génération des opportunistes concrets, en un agneau doux et sympathique dans le cœur des sénégalais, le nouveau Karim vengerait-il la défaite de Papa  et délogerai Macky Sall du palais pour devenir le cinquième président du Sénégal. Un scénario à la « prison break » réalisable que dans la tête de ceux-là  qui l’ont inventé. Car la prison ne mène pas toujours  au palais et  Karim, n’est ni Idrissa Seck, encore moins  Macky Sall.
Ceux –là étaient tous deux fils d’autrui, partis de rien et qui se sont fait des légendes et une  fois au sommet on a voulu se servir du copinage et du népotisme pour leur priver des fruits légitimes de leur sueur. Ils seront ingratement  chassés et traqués après avoir porté au pinacle leur candidat au pouvoir en tant directeur de campagne (Idrissa Seck 2000, Macky Sall 2007).
Par contre la seule compétence, le seul mérite de Karim Wade est d’être le fils de son père. L’enfant gâté de la république, à qui son père de président a offert  le ciel, la mer et nos terres. Ses caprices ont fait atterrir entre ses mains près du tiers du budget, un jet privé pour faire le tour du monde on aurait cru que le fils de Wade confondait son héritage aux finances publiques. C’est bien le  peuple qui  veut savoir jusqu’à quel niveau les deniers publiques ont été dilapidés et gaspillés.
Mais tous les sénégalais même les plus incultes ont compris que pour Me Wade seule  Karim importe, tout le reste n’est que décors et instruments pour atteindre cette finalité sans laquelle pas repos à Versailles et de pas de  paix au Sénégal.
« Macky Sall m’a combattu ma famille et moi, je le combattrai lui et sa famille avec tous les moyens possibles  », cette déclaration de Wade qui ne contient pas le mot le «  Sénégal », a le don d’être clair quant aux intentions crypto- personnelles qui animent un père décidé de sortir son fils de la prison.
Non, le Sénégal ne s’enflammera et ne périra  point juste parce que le plus « intelligent » des sénégalais et en prison pour rendre compte de sa gestion calamiteuses des ressources publiques.
Il faudra au père Wade, s’accommoder de la justice et emprunter de la patience et  la dignité  des parents d’Idrissa Seck, de Bara Tall, de Modibo Diop et tant d’autres hommes et femmes que l’actuel pensionnaire de Rebeusse, son fils, avait juré de détruire un jour.
A coup sûr, la retraite dorée qui lui avait été prédit est totalement perturbée et le risque et énorme qu’il en soit de même pour qu’une tâche noire vienne salir la page du président Wade dans le beau livre de l’histoire du Sénégal moderne. Car en réalité, il est tout aussi difficile de rentrer dans l’histoire que d’en sortir par la grande porte.
 L’homme d’Etat comme Abdou au risque de devenir  « l’homme des tares » comme Laye a l’impératif de se doter de l’intelligence du  poisson: savoir retourner  à temps opportun avec la crue ou la marée au risque  de se retrouver dans  le piège mortel de la boue une fois que les eaux se seront retirées.

Adama Gaye







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