mardi 5 novembre 2013
PODOR- Etat des lieux de l’ancien fort devenu Musée : Le Sénégal délaisse son histoire et sa culture
Depuis son ouverture en 2005, l’ancien fort de Podor réhabilité en musée n’a bénéficié ni de budget, ni de subvention. Et c’est dans une désagrégation totale du peu d’investissement consentis à l’époque que le musée de Podor prend son mal en patience. Par Amadou DIARRA
Source : Le Quotidien
Affecté comme premier conservateur du Musée de Podor depuis son ouverture en 2005 par son ministère de tutelle, à savoir celui de la Culture, Abdoulaye Bâ après trois années de galère dans un environnement où tout lui est hostile, dit avoir plutôt l’impression aujourd’hui de subir une sanction négative. Tout visiteur qui de loin, aperçoit ce majestueux bâtiment élevé sur un site dont seul le colon détenait le secret du choix, tant du point de vue panoramique que sécuritaire, ne peut que s’empresser de le pénétrer afin d’y découvrir des merveilles liées à l’histoire des peuples et de leurs civilisations.
Cependant une fois franchi le grand portail qui livre une cour propre que tout semble prolonger par la découverte de belles choses, témoins vivants d’un Fouta riche en épopées que continuent de chanter griots, gawlos et hommes de culture. C’est dans cet antre hautement culturel et historique que se meut un homme, écrasé par une solitude qui, comme il le soutient «est devenue aujourd’hui sa seule compagne».
Monsieur Abdoulaye Bâ, puisque c’est de lui qu’il s’agit est le Conservateur officiel du musée depuis 2005. Mieux, il est le seul agent de l’Etat affecté sur les lieux et chargé de l’entretien de cette grande bâtisse, de son suivi –si toutefois il existe quelque chose à suivre. Ce qui attire ensuite l’attention du visiteur, c’est de voir le sieur Bâ, sans bureau, flanqué sur une chaise et entouré d’autres, toutes en caoutchouc, «et payées de (sa) propre poche», confie t-il. Des sièges lui servant aussi bien de bureau que pour recevoir les rares visiteurs provenant du bateau le Bou El Mogdad, qui par deux fois par mois, assurent la rotation Saint Louis/Podor-Podor/Saint Louis avec quelques touristes à bord.
C’est dans ce triste et malsain décor, puisque de surcroît, il n’y existe aucune toilette, que le Conservateur Abdoulaye Bâ, très affecté, livre avec beaucoup d’amertume, le calvaire vécu depuis trois ans. Un calvaire qu’il partage avec un bénévole qui, bien que disponible par moments, est très souvent absorbé par les obligations familiales qui l’obligent à l’éloigner du site.
Le musée, fruit de la réhabilitation de l’ancien fort de Podor se situe dans un environnement caractérisé par un paysage sauvage. En effet, M. Bâ qui regrette de ne jamais recevoir le moindre budget pour sa structure se fait parfois, dit-il confondre par une certaine frange de la population, à un marabout du fait de la barbe pendue à son menton et qu’il ne taille que par moments. Et l’attitude désinvolte de la population s’explique par le fait rien n’a été fait pour l’intéresser et l’impliquer.
Autres regrets formulés par le sieur Bâ, celui par exemple de n’avoir jamais reçu de son département aucun document officiel, de n’avoir accueilli sur les lieux un quelconque supérieur hiérarchique.
Quant à la source des maigres subsistances du musée, «le tristement célèbre conservateur» (comme certains l’interpellent parfois) confie qu’elles proviennent des rares touristes qui de passage dans la commune de Podor, visitent le musée. Car comme il aime le rappeler, le fort de Podor, devenu aujourd’hui musée, est «l’un des tout premiers postes avancés de la pénétration coloniale française en Afrique Occidentale.
D’ailleurs pour l’histoire, ce musée occupe les locaux du fort construit en 1744 dans le but d’appuyer les comptoirs commerciaux mis en place le long du Feuve Sénégal, contre les hal-pulaar qui s’opposaient aux colons qu’ils considéraient d’abord comme des ennemis de l’islam et contre les maures. Après une courte occupation anglaise de 1758 à 1782, les Français, revenus pour une brève occupation, sont repartis pour ne s’y réinstaller qu’en 1854 sous le gouvernorat de Protêt qui l’a reconstruit en dur de 1859 à 1862 avec quatre tours dotés chacun d’un canon. C’est à cette période que la bâtisse est devenue un véritable fort d’opération militaire, d’où sont parties la plupart des campagnes contre les résistants locaux à l’échelle du Fouta pour étendre l’hégémonie coloniale de Saint Louis à Kayes sans oublier les états fluviaux de la Mauritanie.
Restitué au Sénégal après l’indépendance, l’Etat en a fait d’abord une brigade de gendarmerie. C’est seulement en 2005 que la restauration, qui a duré un an, a fait de ce Fort, un Musée qui malheureusement ne l’est que de nom.
En attendant de voir le jour se lever pour des perspectives meilleures, le sieur Abdoulaye Bâ Conservateur du Musée de Podor soutient avoir le sentiment de vivre une punition. Et pourtant tout ce qu’il demande c’est juste un peu plus d’attention et juste un peu de moyens de la part de son département ; ce pour pouvoir mener valablement sa mission à bien et honorer sa fonction qui demeure pour lui un sacerdoce.
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