samedi 30 novembre 2013

A la découverte de Dounguel la tanière des Gaygaybés



A quelques encablures de Cas-Cas, agrafé sur la berge du fleuve Sénégal telle une bosse cramponné sur le dos d’un  chameau Doungel comme tous les villages de l’Ile A Morfil, exhibait et confiait, son éclat, son charme, son élégance et sa délicatesse  à la doucereuse eau venue des hautes montagnes du Fouta Djallon.
Doungel se levait tous les jours, ardent, vibrant,  et tonitruant sous les fracas et claquements de sabots de chevaux, de vaches,  d’ovins et de caprins. Ici le matin  et le soir  pourtant si opposés ont réussi  a s’apparenter, s’associer et se ressembler pour former ce moment unique, exceptionnellement agréable, beau et élégant ; cet instant de clair obscure ,quand il ne fait ni  jour ni nuit ,alors que  le même chant du coq servant de cloche aux démarrages des activités dès l’aurore, marque en même temps au  crépuscule le retour à la maison du troupeau, des hommes et des femmes tous à la fois, pasteurs, pêcheurs, et laboureurs. 

Ce n’est pas que cette faveur que dame nature  a offert au village. Il lui a aussi donné le privilège d’être le témoin d’un autre  spectacle  tout aussi admirable et insolite ,car lui permettant de scruter et d’ apprécier  tous les soirs  , le soleil très cachottier  se baissait pour ,on ne sait ni si c’est pour boire ou pour embrasser l’eau  douce et calme du fleuve  devant des vagues  prolixes et plaignantes , presque jalouses de l’idylle entre les deux tourtereaux. La nature parait se plaire dans le paradoxe par là, la tradition se confond avec la modernité, des maisons en banco juxtaposées avec des villas en ciment, sous une flore abondante et diversifiée.
Une école élémentaire construite en 1957  a vu grandir d’éminents intellectuels à l’image de l’illustre Amadou Malick Gaye fondateur de l’union pour la solidarité et l’entraide (U.S.E) et du programme intégré de Podor(P.I.P). De grands directeurs tels que Malick Ndour, Aliou Boubou Gaye et même Omar Ciré Gaye ont formés de nombreux cadres qui se retrouvent partout au service de notre pays dans tous les domaines de la vie. Le regroupement des jeunes de Dounguel dés le début des années 80 a construit  un dispensaire   qui constitue avec l’école élémentaire et le collège le parc administratif du village .
Mais le regard du visiteur est forcément capté par  l’architecture du marché construit grâce aux émigrés établis en France , le  château d’eau du forage mais aussi et surtout par la belle tour de la grande mosquée où le charismatique Thierno Mamadou Gaye l’Imam du village prêche sans relâche dans une éloquence dont lui seul a le secret les versets saints qui conduisent et invitent les fidèles les plus septiques  à choisir le bien à la place du mal en vue de  trouver  la voie  menant vers de Dieu et son prophète . Il détient avec Thierno Amadou Thierno Sarr les deux plus grandes  écoles coraniques où  beaucoup de  « Samba Diallo » viennent psalmodier leurs premiers verset du livre  Saint.

Des champs de riz, de mil, et de maïs  encerclent le village de part et d’autre tandis que la patate et la tomate prennent place sur la  berge après que le fleuve ait terminé son retrait et charrié son limon sur les terres inondées. Cette espace qui se libère des eaux appelait « Palé » et le véritable « palais » des femmes du village spécialistes de cette culture étagée et génératrices de revenus conséquents pour soutenir et aider leurs maris dans  la recherche de la dépense quotidienne

Face aux « palé » et à  quelques pagaies de là sur l’autre rive se trouvait  face à lui sa réplique, son  jumeau de la Mauritanie : Dounguel Réwo ; petite de taille mais fertile et dense de par son histoire et son influence, pas besoin d’aller chercher loin ici comme partout ailleurs sur le long de la vallée le colon à réussi à utiliser le fleuve pour mettre la même famille, le même peuple  dans deux pays différents

La pêche reste quant à elle un domaine réservé par excellence aux Dounguelois, qui a acquis dans ce domaine un savoir et un savoir-faire spécifique au point que l ‘activité  à créer  chez lui par feed back  des traits de caractère moraux  bien typés. Le fleuve qu’il a conquis et dompté lui a livré tous ses secrets ; et c’est fort de ces acquis qu’une relation mythique et mystique s’est tissée, brodée et nouée en nœud gordien entre le fleuve et le Dounguelois

Dans cette symbiose ou plutôt dans ce rapport en sa faveur exclusif , la nature n’a pas été  toujours clémente. Les perturbations climatiques ont eu ici aussi des répercussions calamiteuses. Certaines espèces de poissons se sont raréfiées ou ont disparu au grand désespoir de Dialtabé, ce devin et gardien du grenier liquide. Aussi, la production piscicole a fortement chuté et le capitaine du fleuve, symbole des grands jours qui ornaient le repas du pêcheur, s’est envolé vers les calendes grecques.
                                                             
           
A l’est, s’étendent les cimetières  près de la mythique et mystérieuse place « Diamelwoysi » .L’histoire raconte que Woysi Délo Boubou arrière petit fils de Mbagny l’un des deux fondateurs du village, un guerrier hors norme  y avait établit son quartier général et refusait  systématiquement d’entrer dans le village à chaque retour de bataille. « Diamel », petit tamarinier en français, remplacé aujourd’hui par un monument est le lieu où Woysi et son armé cachaient les talismans et des tam-tams dont le seul son  garantissaient  la victoire aux combats. Après avoir conquis plusieurs terres Woysi décida d’enfouir son arsenal mystique au pied de ce tamarinier pour protéger à jamais le village contre toute attaque. Depuis plusieurs siècles déjà, « Diamelwoysi » est devenu le passage obligé de tout nouveau « Téne » (titre que porte le chef de village) pour faire sa prestation de serment. Le « Téne », quel qu’il soit ,pour être autorisé à démarrer son mandat doit faire sept fois le tour du tamarinier jurant de remplir fidèlement la charge de chef du village prouvant par là que le mode de gouvernance actuel en Afrique n’est forcément pas toujours importé de l’occident . Le dernier à perpétuer cette coutume est l’actuel et 35ème chef du village Téne Amadou Racine Gaye, un jeune bachelier au trône depuis 2006
En tout cas le village de Doungel, à hérité de ses aïeuls une structuration et une organisation socioculturelle particulièrement réfléchie qui a permis de garantir la paix social depuis sa création.
Mbagny et Moussé deux frères de même mère et de même père ont fondé avec leurs deux neveux Samba Ndiaye et Thioumou Thiam le village vers le 15ème siècle. Une fois l’installation terminée après plusieurs batailles avec les populations autochtones trouvées sur les lieux, la couronne est confiée à Moussé et sa descendance appelé « Tane Moussé », après   que le « Gallé Boubou » descendants  de Mbagny en véritable « conseil constitutionnel » ait validé et légitimé  le candidat proposé. Les Ndiayes prennent le titre de « Diarno », après avoir été choisi par le « Téne » et couronné par « Gallé Boubou» assurent la flottille et l’administration du port  durant tout le mandat de celui qui lui a nommé. Les Thiam descendants de  Thioumou sont les maîtres de cérémonie et propriétaires de tout produit perdu dans le fleuve. Les Sy détiennent la plus importante des « Palés » une large surface agricole appelé « Naycone » près de Cas-Cas d’où  ils sont originaires
En véritable stratège, les fondateurs ont invités les « Dièyes » véritables magiciens du fleuve et les Sarr pour leurs connaissances mystiques   à se joindre aux habitants.
   Le nom  Gaye, que porte 95% de la population du village en  est  sa marque déposée et son logo.


Dounguel ,ou Samaré de son autre nom, comme du reste sur  tout le long de la vallée qui a vu naître Baaba Maal et tant d’autres artistes, est une école ambulante et un creuset de la culture et de l’art qui ne sont en faite qu’une partie intégrante de la formation de « l’homo- ilamorfilien ». 

Alors on ne peine point à trouver le plus petit enfant qui puisse  danser aussi bien qu’il caresse le tam-tam ou joue sur les  cordes d’une guitare. Depuis toujours le village a répondu  présent au rendez-vous du donné et du recevoir de la culture Pulaar : de Mama Gaye Abou du Dandé Léñol à Ali Sy de la fameuse émission superstar qui s’apprête à mettre son premier album « séhil » sur le marché en passant par Saikou Ndiaye compagnon de l’artiste Djiby SALL aucun orchestre Pulaar n’a pu résister au talent des artistes du  village


Dounguel c’est aussi un état d’esprit, un mental de compétiteurs  qui a permis à son ASC de faire une razzia sur tous les tournois organisés dans la zone  le  palmarès est éloquent est se passe de commentaire : finaliste 2003 , 2008 et 2011, vainqueur 2004, 2005, 2006,2007. La génération à Ablaye Sy ancien capitaine de l’équipe de football de la police, secondait par la génération à Baidi Sicka Gaye  ,Ablaye Diallal , Omar GAYE et de James Thiam ont incontestablement marqué de leur empreinte le football de toute l’Ile A Morfil

Cependant, à l’instar de toute l’Ile Dounguel reste cloué fixé au sol et freiner dans son envol vers l’émergence  par un déficit criard de d’Investissement de la part de l’état : l’enclavement qui ne trouve pas encore de solution, l’électrification rurale pas encore effective, la couverture médicale et la formation professionnelle inexistante sans être exhaustif, constituent  des facteurs limitant   la  production. Et c’est sans gêne aucune, que c’est populations sénégalaises, isolées et totalement  à part, se tournent du côté de la Mauritanie voisine pour s’assurer du minimum vital 

Adama Gaye
        

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