dimanche 14 juillet 2013

REGIONALISATION DE PODOR : FONDAMENTAUX, ENJEUX ETPERSPECTIVES


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L’acte 3 de la décentralisation est en phase d’études, le parcours vécu est en train d’être revisité pour améliorer la gouvernance locale et chemin faisant, jeter un regard critique sur la déconcentration du pouvoir central. 
C’est cette opportunité, ce prétexte que voudrait saisir l’Union des ASC de l’Ile à Morphil, pour réactualiser le débat sur l’érection du département de Podor en Région, et, pour ce faire, sonder l’opinion des habitants de ce territoire en vue d’asseoir un argumentaire crédible, apte à porter le projet.
En somme, le projet est celui d’un développement qui s’arcboute sur une administration de proximité performante et efficace, une administration proactive susceptible de répondre et d’accompagner les acteurs pour des avancées significatives et transformer les potentialités riches et multiples de cet espace en réalisations effectives, sources d’un mieux-être et donc d’un mieux-vivre.
Le Fouta Toro qui correspond à la moyenne vallée, a de tout temps aiguisé les appétits et fut successivement occupé par les Berbères almoravides et les Français avec l’intermède de l’Almamimyat qui instaura un Etat théocratique inspiré par Souleymane Ball et Cheikh Oumar Foutyou Tall.
Podor et le royaume Tékrour furent la porte d’entrée de l’Islam au Sénégal et l’ancrage  de cette nouvelle civilisation dans le département s’est traduit par une incrustation sans précédent dans le mode de vie qu’elle a uniformisé au point qu’aujourd’hui, la chose la mieux partagée dans le Fouta reste la mosquée qui trône majestueusement au milieu de chaque village.
Nous évoquons cette donnée historique pour souligner le niveau académique  coranique de haute facture de cette contrée et mettre le doigt sur la démocratisation de cet enseignement qui a produit ici de Grandes Ecoles et des figures emblématiques. Adossé à une culture islamique forte, qui date du Xème  siècle, Podor constitue un creuset remarquable de savoir islamique qui continuera à irriguer le territoire national de ses connaissances fécondes. C’est un levier important du point de vue de l’organisation sociale et de la formation intellectuelle et spirituelle des hommes avec ses valeurs cardinales.
Cette période précoloniale a façonné et marqué de manière indélébile le Fouta Toro et s’est accompagné d’une redistribution de l’occupation de l’espace avec comme points d’orgue l’abolition du « Moudo Horma »par Souleymane Ball, l’instauration de l’Almamyat par l’intelligentsia islamique local,et l’incubation et la mise en perspective et en œuvre du Djihad  par Cheikh Oumar Tall qui devait donner naissance à  un empire musulman qui sera déconstruit avec l’occupation française et l’ouverture sur ce que Cheikh Hamidou Kane appellera l’Aventure ambiguë.
La contrée a vécu un processus historique multiforme et multidimensionnel de plusieurs siècles et a engrangé une expérience organisationnelle sans précédent bâtie sur le village et autour des ensembles que sont le Dimat, le Toro, le Halabé, le Lao qui donna 7(sept) Almamys avec le village de  Mboumba, le Yirlabé, le Bosséa, le Nguenar et le Damga entre autres .Ces organisations étaient centrées sur le fleuve Sénégal qui unissait deux entités complémentaires de part et d’autre de celui-ci.
Si la chute et l’éclatement de  l’empire Abbasside s’est traduit dans le redéploiement  de l’Islam par l’envahissement de l’Afrique du Nord ,la Péninsule ibérique et Cordoue en particulier ;les rives du fleuve Sénégal ont été un réceptacle et un terreau fertile pour le développement d’un bourgeon islamique résultant des apports fécondants d’une culture externe et un milieu quasi païen , mais riche de ses traditions ancestrales, faites de courage de bravoure et d’endurance, vivant de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la foresterie.
Tous les ingrédients étaient réunis là pour recréer les conditions avec le proche Sahara et la vallée du fleuve, l’espace géographique qui a vu naitre l’islam, à savoir le désert arabique, l’Euphrate et le Tigre en Syrie et en Irak.
La pénétration coloniale française réorienta la trajectoire historique et dès lors deux logiques sous tendus par des visions et des conceptions de la vie différentes, s’affrontaient sur le terrain du Fouta .La France, avec deux outils redoutables que sont l’armée et l’Ecole entreprit de déstabiliser le système  politique, social, éducatif et culturel trouvé sur place. Elle institua les cercles de Podor et Matam entre autres avec des Commandants militaires à leur tête et des écoles primaires pour les besoins de son administration, de son occupation avec un souci d’assimilation sur le long terme.Des cantons dirigés par des notabilités locales complétaient le dispositif d’encerclement, d’asservissement et de contrôle du territoire et de ses occupants. Les stratégies de tous ordres et de toute nature mises en œuvre pour la pacification et la mainmise sur le pays finirent par échouer au bout du compte.C’était quelque part méconnaître le tempérament belliqueux des autochtones, leur esprit de résistance et surtout le degré de pénétration de l’Islam qui avait conquis les cœurs et les esprits.Le ver était déjà dans le fruit et les germes d’un retournement de situation étaient inscrits dans le projet initial d’occupation et d’exploitation du colon.
Pour atteindre leurs objectifs dans le cercle de Podor,le fort de Faidherbe fut construit et l’école primaire fut ouverte en 1894, suivie de celle de Saldé en 1896 et tous les chefs-lieux de cantons furent dotés des mêmes instruments d’éducation et de formation pour se doter d’auxiliaires et d’intermédiaires pour l’administration coloniale.
En 1963,le Département de Podor comptait moins de 10 CM2 et l’examen d’entrée en 6eme organisé cette année permit d’ouvrir le premier établissement secondaire à Podor comprenant une classe avec moins de 50 élèves.Mais les élèves ressortissants du département peuplaient depuis longtemps les Lycées de St Louis et Dakar, les Universités françaises où ils excellaient et sortaient avec des diplômes divers et très prisés.
Le Sénégal indépendant, dans le cadre de la politique du renforcement et de l’accélération de la formation et de l’éducation de la jeunesse pour se doter d’une élite et de compétences à tous les niveaux,entreprit à pas de charge la construction d’établissements de tous les niveaux et le département acquis une base solide qui se traduit aujourd’hui par un niveau de scolarisation satisfaisant comme en témoigne la présence massive des filles dans les salles de classe. Au jour d’aujourd’hui, on dénombre un peu plus de 350 écoles élémentaires, 51 Collèges, plus de 14 Lycées d’enseignement général et aucun établissement d’enseignement supérieur, ni de formation professionnelle et technique. Il a résulté de ce processus de formation un niveau intellectuel fort appréciable qui a valu au département, à tort ou à raison le sobriquet de Quartier Latin du Sénégal.
Le département de Podor est essentiellement rural et agricole ;la carte scolaire ci-dessus esquissée devrait en partie dans son évolution prendre en compte les spécificités socio-économiques  de la zone, et en perspective l’urgence d’un Lycée agricole, et d’un établissement d’enseignement supérieur de même nature sont inscrits dans une logique de cohérence  surtout quand on sait  que sur les 240000ha irrigables de la vallée, les 120OOOha ,soit 50% sont le patrimoine fondamental de Podor.
Les enjeux sont énormes et la dynamique en cours dans tous les secteurs d’activité place le département dans une perspective de mutations profondes capables de porter et de  booster le développement et faire jouer à cette partie du pays sa partition dans l’émergence.
Pour atteindre la vitesse de croisière, la formation reste et demeure l’un des intrants, l’un des inputs qu’il faudra privilégier.
La mondialisation /globalisation que nous vivons et qui induit un contact permanent de tous les coins de la terre où l’émigration a porté nos ressortissants, par un phénomène de feedback impacte positivement sur la région.
Selon Gaston BERGER, le fondateur de la prospective « l’avenir est lourd de possibilités indéfinies. Nous ne savons ni ce qu’il détruira :-tout est précaire-ni ce qu’il apportera-tout est possible ».Il assène : « si l’avenir est ouvert, si demain n’est pas à attendre mais à inventer, il faut opérer entre l’homme et son milieu une adaptation réciproque ». La question « où allons- nous » devient qu’allons- nous faire ?
Le zoom sur l’architecture de nos Institutions pour remettre la pertinence au cœur de leur marche, la relecture de certains textes fondamentaux tels que ceux relatifs au foncier et à la décentralisation militent en faveur d’une contribution des acteurs à la base pour exprimer leur point de vue et participer ainsi à l’œuvre de construction nationale.
Or, il se dégage présentement une opinion favorable à l’érection de Podor en région pour hisser le département au niveau de Kaffrine, de Kolda, de Kédougou etc. et permettre, ce faisant d’outiller cet espace d’instruments administratifs et juridiques de proximité et de pilotage capables de prendre en charge la problématique du développement et en conséquence les aspirations profondes au changement des populations. En réalité, cette tendance lourde qui avait été perçue par le régime précédent et l’avait à la limite acceptée n’est motivée que par un rapprochement de haut niveau de l’administré et de l’administration pour que dans une symbiose et complicité actives  ,le département se positionne parmi les leaders du développement agricole que le chef de l’Etat dans sa stratégie de développement économique et sociale place en pole position.
Le sondage effectué sur le territoire départemental  exprime une forte adhésion populaire à ce projet et ne prend pas en compte les émigrés et résidents dans les autres villes. C’est à la limite une demande sociale prégnante de tous les segments et de toutes les couches de la population dont le projet tient à cœur.
Ce plaidoyer porté par l’Union des ASC de l’Ile à Morphil  élargie à d’autres association se veut comme une incarnation et la traduction d’un profond sentiment de dépassement et d’ouverture sur l’autre dans la cohésion et le partage avec en arrière- plan et toile de fond le développement économique et social de notre pays. Il est attendu individuellement et collectivement un sursaut national pour lutter contre toutes les formes de précarité et en particulier la pauvreté et la réforme ou l’ajustement suggéré est une piste sinon de réflexion du moins de contribution pour des lendemains meilleurs bâtis sur la concorde et une gouvernance de proximité.
Riche d’une trajectoire plus que millénaire, alimentée, nourrie et fécondée par deux courants de pensée, venus de l’Orient et de l’Occident ,le Fouta chemine allégrement vers le confluent du rendez-vous du donner et du recevoir de L.S.Senghor en se renouvelant et se remodelant sans se renier, au contact de ces apports extérieurs. La résultante de ce parcours, tout naturellement, est d’entrer en osmose avec le reste du Sénégal pour construire un espace unitaire et diversifié .La structure mentale dans des rapports dialectiques avec la structure sociale, spécifiée par cette évolution historique ,apparait aujourd’hui  comme un atout de taille pour couver, fructifier et éclore la régionalisation .Il ne fait aucun doute que ce projet de régionalisation est un facteur d’amplification et de facilitation du développement en raison de sa capacité à lever certaines contraintes et baliser un itinéraire lourd des potentialités locales à transformer en ressources consommables de toute nature dans l’intérêt bien compris de la nation.
La mobilisation des énergies,  et de toutes les énergies sous toutes leur forme et leur reconversion en forces productives, leur canalisation vers et dans un projet de développement à même de lutter contre la pauvreté quasi  endémique dans cette partie de notre pays est l’un des motifs principaux de notre démarche.
C’est  un paradoxe que vit la vallée du fleuve Sénégal. L’eau a toujours été  une source de conflit, de compétition de bagarre, de vie et a permis la sécurité alimentaire de se développer sur ses flancs et partant, autoriser l’éclosion et le développement d’une civilisation et d’une culture raffinées. C’est un postulat. Comment expliquer dès lors cette exception sénégalaise ? Par manque d’une structure centrale forte capable d’impulser et de propulser une telle trajectoire, par une absence de génie créateur, ou tout simplement par manque de temps ? Quoi qu’il en soit, le gap est énorme et des indicateurs d’un autre âge côtoient des éléments de modernité que sont le tracteur et l’internet. Des images invraisemblables telles qu’un cultivateur avec sa daba et le téléphone portable à l’oreille sont devenues banales et pourtant combien énigmatiques.
Les ruptures prônées par le chef de l’Etat sont les bienvenues et la Gouvernance locale reste un chantier de premier ordre. Certains textes fondateurs sont caducs et doivent céder la place à l’esprit du  novateur. Parce  qu’en dernière analyse il s’agit de Vision, de Politique lesquelles sont inspirées par un Homme avec un programme nourri avec les besoins, les soucis, les aspirations, et les attentes des hommes. Ce lien ombilical entre une politique et des attentes est le facteur nodal de tout développement.
La régionalisation de Podor est une attente que nous pensons capable de combler les gaps, les manquements et les insuffisances constatés et vécus par les populations. La problématique est complexe, nous en convenons, mais n’en pensons pas moins que pour une métamorphose profonde, à la dimension du parcours historique tout aussi complexe, des mesures hardies de gestion de proximité sont nécessaires.
La communalisation universelle qui est aussi agitée, liée à une administration insuffisante des villages est un élément important dans le cadre des réformes  annoncées
En conclusion un constat : le Sénégal des indépendances s’était doté de 7(sept) régions, épousant les contours des grandes zones éco-géographiques du pays donc tournées vers des spécificités locales, organisées autour de grands pôles de développement .Chemin faisant, d’autres considérations ont été prises en compte, parmi lesquelles la dimension politique et on se retrouve aujourd’hui avec14(quatorze) régions administratives. En se référant et s’appuyant sur des considérations  économiques, sociales, culturelles,  historiques et de gestion de proximité, on peut valablement estimer que Podor a atteint un stade qui milite en faveur d’un saut qualitatif qui le hisserait au statut d’une Région Administrative pour lui permettre d’extérioriser et d’exprimer pleinement ses multiples potentialités dont la ressource humaine, fondement de tout devenir et de tout avenir porteur de croissance, étant entendu que tout part et revient à ce paradigme.



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