vendredi 28 juin 2013

Ile A Morphil:Journée de Réflexion du 29 décembre 2012



                                RENCONTRE DE CAS CAS
POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE ET INTEGRE DE L’ILE A MORPHIL
                                   (UNE INITIATIVE LOCALE)
                              


                           TERMES DE REFERENCE

CONTEXTE /OBJECTIFS/JUSTIFICATIFS
Une alternance a chassé une autre, mais il faut souligner d’entrée de jeu que nous ne sommes préoccupés par aucun positionnement politique,  encore moins par une critique subversive. Notre démarche se veut citoyenne, sociale et contributive.
La rencontre  que nous tenons aujourd’hui  à Cas Cas s’inscrit dans une dynamique et un esprit d’échange, de partage, de discernement pointu, de mise au point objectif des acquis, d’alerte et de veille relativement à la problématique de développement de l’ile a Morphil qui continue de faire secréter beaucoup d’adrénaline, de susciter des espoirs jusque-là déçus  des acteurs ruraux toutes professions confondues. La lutte contre la pauvreté et l’accessibilité aux services primaires de base constitue la toile de fond de cette démarche et cette stratégie de « struggle for life ».Il n’est pas besoin d’aller plus loin que l’hivernage dernier pour illustrer notre propos.
Notre mouvement, depuis plusieurs années déjà porte en bandoulière  les attentes des populations en se faisant l’écho des vibrations et des pulsions du pays profond. Mais, malgré les multiples rencontres sanctionnées par des promesses alléchantes, les choses piétinent, pour ne pas dire stagnent.
A l’aube de cette deuxième alternance,  les différents segments des habitants de l’ile, en relation avec les émigrés, ont jugé nécessaire, utile et opportun de faire le point de la situation socio-économique telle qu’ils la vivent au quotidien, la sentent, la perçoivent et dont le principal destinataire est Monsieur le Président de la République.
Les termes de référence que vous  propose ce document et destinés à impulser et instaurer un débat contradictoire et inclusif entre toutes les parties prenantes intéressées de près ou de loin et à des degrés divers, s’articuleront autour de trois points cardinaux :
       A -D’un diagnostic historique fondé sur quelques repères significatifs ;
       B- D’un diagnostic socio-économique succinct mais assez descriptif pour permettre des analyses pluridimensionnelles et multisectorielles ;
      C- Des objectifs de la journée et  des perspectives pour ouvrir des pistes de réflexion et des axes de travail susceptibles de tisser une trame pour une convergence de vue et d’action.
Les diagnostics historique et socio-économique, sans prétendre être exhaustifs vont en plus essayer de saisir quelques évolutions physique et humaine et asseoir des données tangibles  à même d’aider à appréhender quelques traits du passé et du présent pour jeter les bases de futurs probables  et permettre d’opérer des choix porteurs  de progrès .Naturellement ,cet exercice de prospective sera très attentif aux tendances lourdes autant positives que négatives qui modèleront à coup sur le devenir de cette contrée.

A_DIAGNOSTIC HISTORIQUE
L’ile à morfil est cette enclave de terre inondable du département de Podor, prise en étau entre le fleuve Sénégal et son défluent communément appelé le marigot de Doué. Ils se séparent à Winding, village mauritanien pour se retrouver à Ngaoulé, en aval  et au-delà de la ville de Podor, après avoir parcouru chacun de son côté une centaine de kilomètres, et installé un réseau hydrographique dense et anastomosé, vecteur des cultures de décrues.
La ressource naturelle étant abondante et pérenne, I’IAM a de tout  temps été un eldorado qui a aiguisé des appétits et attiré agriculteurs, éleveurs et pêcheurs qui pouvaient s’y déployer à cœur joie et régler à la limite sous forme de cueillette leurs besoins alimentaires sans faire appel à l’extérieur.
Le peuplement sous forme de villages s’est fait sur les terres exondées et un esprit d’espace utile, vital aux activités par groupement ; a guidé les implantations sous une forme harmonieuse et équilibrée, imposant de façon quasi  arithmétique et légiférée une distance de trois à cinq kilomètres entre les agglomérations. Le village, tel un organisme vivant avait besoin de respirer à pleins poumons.
Cette occupation  se projetait et se prolongeait sur la rive droite du fleuve Sénégal, l’IAM apparaissant dès lors comme le pivot d’un écosystème agro-sylvo-pastoral  et piscicole intégrant la rive gauche du Doué.
Un équilibre entre la pression humaine et la régénération du  milieu se maintenait en raison,  entre autres, de l’isohyète soudanien qui prévalait dans la zone.
L’histoire de l’IAM se confond avec celle de l’homme qui a conquis ce  vaste territoire aux richesses multiples et variées et l’a profilé en rapport avec ses besoins. Cette ile nourricière, par ses terres limoneuses en particulier a entretenu dans le temps avec ses occupants une relation presque mystique.
Malheureusement, deux événements majeurs sont venus impacter négativement l’ile dans son évolution historique, physique et environnementale ; l’un est politique, l’autre est d’ordre climatique ; dans l’un et l’autre cas les effets induits ont laissé des tâches indélébiles et se sont traduits par des mouvements de population occasionnant des déséquilibres qui perdurent. Ce sont fondamentalement deux ruptures majeures.
La première rupture porte le sceau de l’indépendance politique nationale du pays qui instituait le fleuve Sénégal comme une frontière et amputait du coup les populations d’un territoire assez important ; la pression démographique résultante sur la rive gauche  du fait d’une réduction drastique de l’espace d’évolution des hommes et du troupeau  et le redéploiement des activités fragilisait insidieusement l’écosystème. Le manque à gagner substantiel n ‘a pas connu de mesures compensatoires pour atténuer le choc .C’est  à cette période que datent les premières migrations significatives parce que l’équilibre était rompu. Des études d’impact auraient dû à cet instant tirer sur la sonnette d’alarme et indiquer les voies à suivre pour prévenir l’inéluctable désagrégation si rien n’était entrepris jusque là pour contrer les désagréments qui frappaient à la porte.
La seconde rupture est liée à des périodes cycliques de sécheresse dont la plus récente date des années  70-8O, a dégradé et métamorphosé de fond en comble l’IAM. En décapant et mettant à nu le paysage jadis florissant, la sécheresse livra les populations à la famine et provoqua un exode massif des bras valides vers des cieux  plus cléments, pour secourir en retour ceux qui sont restés au pays, c’est à dire les femmes, les jeunes, les personnes à mobilité réduite et les vieillards .Cette donnée démographique n’a pas variée depuis lors.
L’histoire de l’IAM c’est aussi la relation dialectique entre l’homme, ce prédateur, ce conquérant, ce colonisateur des terres, des eaux, des forets et son milieu, son environnement. La physionomie actuelle de cet écosystème agro-sylvo-pastoral dégradé est par ailleurs le résultat combiné d’actions anthropomorphiques et climatiques. Adossé au désert du Sahara qui l’irradie de ses effluves avec l’harmattan, miné de l’intérieur à l’instar d’une vermine dans un fruit par l’homme de par ses activités ; l’ile jadis parée de sa faune et de sa flore luxuriante n’est que l’ombre d’elle-même. L’ile à Morphil signifierait l’ile aux éléphants. La mémoire collective garde encore qu’en début et jusqu’au milieu du siècle dernier , les forêts galerie d’acacia nilotica, les tamarindus indica, l’andropogon gayanus ,le vetiveria nigritina pour ne citer que ces quelques espèces végétales dont les trois dernières ont totalement disparu, abritaient une faune sauvage au nombre desquels on distinguait des lions, des éléphants, des hyènes, des biches ,des pintades ,des zones de nidifications des pélicans et des sarcelles. Aujourd’hui, des espèces xérophiles comme les balanites aegyptica, le zizyphus, l’aristida mutabilis, se sont incrustés dans le milieu et substitués aux grands arbres témoins d’une période plus faste. Les épineux, plus plastiques ont conquis ce milieu et y ont élu domicile.
Au total, l’histoire évolutive de  l’environnement de l’IAM qui  déteindra sur celle de l’homme et modifiera son itinéraire, reste fortement tributaire de la désertification qui avance à pas de charge et enveloppe toute la région. C’est là une tendance lourde négative avec laquelle la politique de l’autruche est exclue. Des atouts pour combattre ce fléau existent car nul obstacle ne peut faire face à l’imagination de l’homme. Vouloir c’est pouvoir.
Mais quel est le prix à payer pour inverser cette tendance lourde et négative quand on sait surtout que ce phénomène nous échappe  quelque part parce que planétaire.
Que faire à l’échelle micro, à l’horizon du village ?
Ce sont là quelques questions majeures  que nous devons avoir à l’esprit et auxquelles nous devrions  tenter d’esquisser des réponses plausibles et souhaitables.

B-DIAGNOSTIC SOCIO-ECONOMIQUE
L’excellent ouvrage de Claude Meissou « Femmes, Greniers et Capitaux » est un référentiel qui peut aider à comprendre la société de l’IAM autant sur son mode d’évolution  que sur son économie domestique. Parce que fondamentalement, nous sommes là en présence d’une économie intermédiaire qui s’est très peu détachée de l’économie domestique avec l’usage d’instruments venus du fond des âges telle que la houe, et les vestiges du troc dans les échanges.
D’une façon générale, des mutations profondes, liées à des cataclysmes naturels, autres que climatiques ne sont pas venues perturber le cours de l’histoire de la région et lui imprimer une  allure inédite. Tout se passe comme si la société calquait son rythme à celui du fleuve qui serpente en douceur une plaine alluviale, nourricière et féconde et que ces deux entités vivaient en osmose et en équilibre conventionnelle. Mais force est de constater que des germes de changement sont perceptibles dans cet environnement naturel qui s’est fortement dégradé et ou des institutions, des pratiques et comportements traditionnelles heurtent l’implantation de la modernité.
Si le colon avait privilégié la partie « walo » du département de Podor dans son administration en structurant toute son implantation autour de l’axe du fleuve, l’Etat moderne semblerait avoir inversé sa politique en mettant l’accent sur le proche diéri avec en particulier la construction de la Nationale 2 qui devient dès lors la colonne vertébrale du département au détriment de l’axe hydraulique jadis nerf sensitif et moteur de cette entité administrative.
En raison et ou en conséquence de cet état de fait, les infrastructures de soutien aux productions essentielles et sociales connaissent un retard notoire qui a impacté négativement et durablement le développement global de l’ile dans ses différents secteurs d’activité et induit une forme de vie quasi autarcique. Le facteur qui concentre le plus de nuisance reste l’enclavement dont l’aspect le plus saillant, visible, est physique, encore que l’enclavement intellectuel et médiatique, beaucoup plus sournois et corrosif est souvent perdu de vue.
Les ponts de Madina Ndiathbé, de Ngouye déjà en service et celui attendu de Ndioum doivent être connectés à la dorsale Ngouye-Podor pour être efficients et jouer pleinement leur rôle. Tout un réseau routier de pistes de production de part et d’autre de cette route départementale compléterait le dispositif de désenclavement.

AGRICULTURE
L’agriculture irriguée en voie de substitution aux cultures traditionnelles  reste encore sommaire et obligée de s’appuyer sur ces dernières pour atténuer le déficit céréalier et maraîcher chronique de la zone. Les PIV (Périmètres Irrigués Villageois) qui datent des années de sécheresse sont marqués par une dégradation très prononcée, faute d’entretien des aménagements et  la vétusté des équipements dont la plus part ont plus de deux décennies d’âge. Il n’est pas étonnant dès lors de se retrouver devant des PIV détournés de leur objectif premier ou en état de carrément d’abandon .Ainsi le temps a fini de creuser le lit d’une disette récurrente  et permanente  dans ces villages du Sahel et n’eut été l’appui et le secours de l’émigration, on aurait assisté à des départs successifs de populations vers le Sud ou à un exode rural plus marqué vers les villes voire même aller chercher refuge en Mauritanie, pays le plus proche, pour y espérer plus d’assistance et moins d’oubli . 
Le handicap majeur qu’est la péjoration du milieu et le déficit des productions vivrières qui en découlent, face au croît démographique, en entrainant les forces valides sur les chemins de l’exil temporaire, repositionne la femme au cœur du dispositif familial et en fait du coup l’actrice principale et réelle de la production agricole. Ainsi l’activité agricole se féminise mais n’octroie pas pour autant aux femmes des droits sur leur outil de travail.

ELEVAGE
L’élevage représente à côté de l’agriculture et la pêche, le deuxième moteur de l’économie de l’IAM dans des rapports de complémentarité remarquables et les échanges qu’ils entretiennent sont une source de vitalité globale de la zone. L’élevage joue un rôle d’épargne important.
 La strate herbacée jadis constituée de graminées abondantes et des légumineuses offrait un pâturage abondant, varié et donc une alimentation équilibrée pour le bétail. Les pâturages de décrue, si recherchés par les éleveurs  complétaient de manière satisfaisante  les sous-produits agricoles en dehors de la saison des pluies.
 Au total, les bovins, ovins et caprins ne recherchaient guère la strate ligneuse qui était de ce fait très florissante. Les deux ruptures que nous avons évoquées plus haut se sont traduites par un surpâturage inédit et ont multiplié par un coefficient élevé la capacité de charge des parcours, ce qui a entrainé le dérèglement de leur composition floristique et la dégradation générale de l’ensemble de l’écosystème pâturé. Dès lors le zornia, le bracharia, le vitivera et autres espèces tant appétées laissaient la place au leptadania et à la strate arborée avec comme cerise sur le gâteau l’envahissement effréné de tous les espaces par le calotropis procera, cette plante indicatrice de sols pauvres et amortis. Ainsi le cheptel est pris en étau entre la réduction drastique des parcours d’une part et  leur pauvreté protéique et calorique d’autre part, entrainant le croît de la population animale en dents de scie. Les productions animales sont dès cet instant réduites à leur plus simple expression et comme  les grandes épizooties telles que la peste bovine et la fièvre aphteuse qui faisaient des ravages sont maitrisées, la sous-alimentation constitue le facteur névralgique de la conduite du troupeau.

PECHE ET APICULTURE
Si l’agriculture et l’élevage sont pratiqués par toutes les catégories sociales de l’IAM, la pêche reste quant à elle un domaine réservé par excellence aux pécheurs, qui ont acquis dans ce domaine un savoir et un savoir-faire spécifiques au point que l ‘activité  à créer  chez eux par feed back  des traits de caractère moraux  bien typés. Le fleuve qu’ils ont conquis et dompté leur a livré tous ses secrets ; et c’est fort de ces acquis qu’une relation mythique et mystique s’est tissée, brodée et nouée en nœud gordien entre le fleuve et le pêcheur. Dans cette symbiose ou plutôt dans ce rapport en faveur exclusif du pêcheur, la nature n’a pas été non plus toujours clémente. Les perturbations climatiques ont eu ici aussi des répercussions calamiteuses. Certaines espèces de poissons se sont raréfiées ou ont disparu au grand désespoir de Dialtabé, ce devin et gardien du grenier liquide. Aussi, la production piscicole a fortement chuté et le capitaine du fleuve, symbole des grands jours qui ornaient le repas du pêcheur ou du Torodo nanti, s’est envolé vers les calendes grecques.
 Nous sommes ici en présence d’un gisement d’expertise  qui pourrait être réinvestie dans l’aquaculture, un créneau porteur et capable d’aider à la lutte contre le sous-emploi et l’exode rural, donc un potentiel générateur de revenus substantiels.
L’apiculture, inconnue dans la région pourrait y faire son entrée dans le cadre de la diversification et de l’intensification des productions  végétales et animales, comme réponse à la situation présente
SOCIETE
La trajectoire prise par la population de l’IAM est au désenclavement, à l’urbanisation et à l’intégration à l’entité nationale .Les réflexes, les discours, les comportements deviennent citadins et sont fortement perceptibles lors des événements familiaux tels que les mariages et les jeunes expriment à merveille à travers leur port vestimentaire cette tendance lourde. Cette mutation est liée au contact avec la ville, aux médias, et à la mondialisation et/ou globalisation de la planète. Ceci  est un facteur déterminant dans cette évolution .On comprend dès lors qu’une certaine demande sociale articulée au bien-être général soit présente. Et de ce point de vue le Fouta d’une façon générale et l’IAM en particulier apparaissent comme des diverticules de la banlieue de Dakar et au regard de leur niveau, qualifiés de banlieue niveau 2.
Des bouleversements importants sont prévisibles d’ici une génération, liés à une lame de fond représentée par une forte scolarisation dont la majorité est représentée par les filles.
Patrilinéaire et gérontocratique, la société Haal Puular dont fait partie l’IAM est sans aucun doute à la croisée des chemins.
Est-il besoin de rappeler que l’IAM a été la porte d’entrée et le berceau de l’Islam au Sénégal ? Ce phénomène historique a laissé des marques indélébiles dans cette contrée, érigeant chaque village au statut d’Université en miniature. Le recours  à la jurisprudence islamique dans certains conflits est souvent convoqué. Ce qui dénote de la prégnance de l’islam dans cette société et l’enracinement de ses préceptes et de son enseignement. Il en a été ainsi depuis le XI et XIIe siècle, avant la pénétration de l’Ecole de Cheikh Hamidou Kane qui a commencé à miner la supra structure édifiée par le monde arabo-musulman. L’imaginaire populaire et les subconscients individuel et collectif des individus sont en voie de restructuration et de réorganisation, sur la base des substrats constitutifs des éléments culturels du rendez –vous du donner et du recevoir cher au défunt Président/Poète L.S .SENGHOR.
Aujourd’hui des besoins en éducation et en formation professionnelle de qualité émergent pour produire un homme nouveau suffisamment informé et outillé pour se mouvoir dans son environnement, créer de la richesse sur la base de la demande du marché et subvenir pleinement à ses besoins de plus en plus multiples et variés .Cet objectif cardinal, locomotive de tout processus de développement doit être pris en compte et inscrit en lettre d’or par tout projet de développement, tout projet de société. Or toute l’IAM ne dispose que d’un Lycée d’enseignement général à Cas- Cas, en dehors de celui de Podor très excentrés du reste. Les Lycées de Mboumba et de Ndioum constituent naturellement des réceptacles pour les élèves des CEM de l’ile.
Les daaras de leur côté ont une demande spécifique en terme d’appui et d’équipement surtout, la démocratisation de l’enseignement à ce niveau aussi s’étant traduite par un afflux important d’apprenants. Il reste que les formes pédagogiques utilisées à l’heure de l’internet jurent d’avec toute tentative de modernisation sur l’ensemble du terroir. Le système demeure très conservateur et chevillé à des méthodes qui ont du mal à bouger. Faute de moyens et de politique en la matière, l’enseignement coranique est désarticulé par rapport au système général et pose des équations de survie. Le vécu des talibés est une source de contre-performance et d’abandon précoce du daara qui jette sur les chemins de l’errance beaucoup de jeunes. Mais quand on sait le rôle de formation d’homme que joue cet apprentissage  qui traverse la société de part  en part et en constitue sa colonne vertébrale du point de vue morale et éthique, il y’a lieu de revoir sa prise en charge pour lui donner un contenu et un emballage conformes aux aspirations de la société. Samba Diallo de l’Aventure ambiguë sommeille en chacun de nous et crie au secours pour éviter le naufrage.
 La situation sanitaire de l’ile subit les contrecoups de l’enclavement malgré les améliorations notées .Si la majorité des villages sont dotés de poste de santé, l’inexistence d’un plateau technique performant et polyvalent tant attendu avec le Centre de Cas-Cas fait piaffer d’impatience. Il faut se féliciter tout de même de la prise de conscience générale des problèmes de santé et souligner que la présence majoritaire du 3e âge et des femmes devront être des indicateurs ciblés pour l’équipement du Centre de santé de Cas-Cas.
La couverture médicale est un enjeu de taille.
 D’artisanat, il n’y a plus que des reliques de cordonnerie et de forgerie traditionnelles. Il est attendu de l’électrification rurale un renouvellement des métiers et une diversification des activités du secteur.
Les organisations de producteurs agricoles brillent par leur faiblesse organisationnelle et opérationnelle. Le Projet Hollandais qui s’était installé à Cas-Cas au cours de la sécheresse des années 70-80 et avait introduit la culture irriguée du riz avait accompagné la mise en place de la Fédération des Unions des GIE de l’ile en vue d’asseoir un réceptacle capable de prendre en charge l’héritage et de piloter, coordonner les activités sur l’étendue de leur terrain d’emprise. Les Unions de Démeth, de Cas Cas et de Thioubalel qui se structurèrent autour de magasins d’approvisionnement et des PIV font aujourd’hui face à des problèmes de fonctionnement et d’équipement qui peinent à être renouvelés. Toujours dans la même mouvance, une organisation de Producteurs Privés qui regroupait des initiatives portées par des individus et une association de femmes tournée vers  les jardins maraîchers apparurent pour compléter un dispositif agricole que le Projet souhaitait transférer à la FUGIAM.
Le RIAD, un réseau d’acteurs de développement est également présent sur l’ile avec le  PRODEP, bien que sa vocation se veuille nationale.
Mais, en tout état de cause, force est de reconnaitre que la première décennie de ce 21e siècle est marquée par l’émergence d’un mouvement de jeunes issus des ASC et des navétanes et porte bruyamment les revendications des populations .C’est cette Union des ASC  qui a pensé, planifié  et organisé cette RENCONTRE A CAS-CAS, après avoir pris contact avec les chefs de villages, les imams et sensibilisé les différents segments de la population de l’ile.
Il est bon de noter, à ce stade, pour la clarification de la démarche et des projections ultérieures, que l’IAM que nous avons campé géographiquement et socialement au début de notre propos, semble être réduite politiquement aux arrondissements de Saldé, Gamadji Saré et Cas-Cas qui représente au sein de ce trio l’épine dorsale en raison de ses initiatives et du rôle de premier ordre qu’il joue.
Il n’est pas non plus superflu de dire un mot sur le mode de  gestion et d’administration des villages, qui échappent dans la plupart des cas, au regard de leur taille et à la  complexité des problèmes, au chef de village, souvent analphabète et sans assistance. Les villages semblent flotter et l’érection en communes de certains au détriment d’autres ne parait pas relever d’une analyse prospective scientifique, pour ne pas dire cartésienne, mais d’une démarche politicienne chargée de frustrations et d’équivoques. Un grand défi à relever. Un autre enjeu de taille en perspective. Parce qu’une gouvernance locale démocratique, intégrant pleinement le village devra jeter les bases saines d’un développement durable, réfléchi, tiré par un rêve partagé.

C_PERSPECTIVES ET POINTS D’ANCRAGE

La perspective ou les perspectives et les points d’ancrage ou points nodaux  sont le condensé de notre vision et de notre programme d’action sur les courts, moyens et longs termes, qui prennent en compte les perceptions de développement de l’ile des populations.
Le tryptique agriculture, élevage, et pêche constitue le noyau moteur du développement de l’ile, relativement à sa configuration naturelle et écologique ; tous les paramètres et indicateurs en font un domaine agricole par excellence, quel que soit l’angle sous lequel on aborde l’ile. L’agriculteur qui doit se substituer nécessairement au paysan, reste la pierre angulaire, l’objectif terminal, fédérateur et consensuel de toute l’ile. C’est de l’agriculture que doit vivre l’ile à morphilien ; et  la chaîne de production, de transformation,  de commercialisation et de financement de cette activité à haute valeur ajoutée, source de revenus et de satisfaction de tous les besoins doit être au cœur de toutes les préoccupations.
L’IAM devrait être un grand jardin, un oasis sur les flancs du désert et son aménagement pourrait être confié à une Agence, qui ferait de ce patrimoine et de ce terroir qui regorge de potentialités le GRENIER DU SENEGAL.
Ce postulat posé, le désenclavement, l’électrification rurale, la couverture médicale, la formation professionnelle apparaissent, sans être exhaustif encore une fois, comme des facteurs de production.

CONCLUSION/SYNTHESE
Tentons de conclure, de résumer et de synthétiser :
L’IAM ,objet de cette fresque que nous avons esquissée à grands traits avec ses potentialités et ses attentes, mais aussi les menaces qui pèsent sur elle, est en dernière analyse un creuset de paradoxes qui reverdira, avec l’abnégation et la pugnacité de ses enfants dans une approche endogène des problèmes et un sursaut d’orgueil pétri dans une vision cohérente, intégrée et intégratrice du développement.
Deux tendances lourdes : la désertification et son corollaire qu’est la sécheresse d’une part, et la féminisation de la population d’autre part  sont des stigmates visibles à l’œil nu et questionnent sur le développement agricole qui reste et demeure l’équation, le nœud gordien de la problématique principale à résoudre.
Cependant, une prise de conscience de plus en plus aiguë et la détermination à faire face aux difficultés individuellement et collectivement apparaissent chez les acteurs à la base, engagés dans des processus de lutte contre la pauvreté et la protection de l’environnement.
Nous retiendrons après avoir tout oublié, ce maxime de Gaston BERGER: que demain, c’est aujourd’hui qu’il faut le bâtir ou comme le disent les Haal Puular « Hiirande ko diama niamete sukonone ko gnalawma fewdjete ».

Last but not least, l’Ile A Morphil c’est fondamentalement:

·        Un enjeu de taille sine qua none qui conditionne la vie : l’agriculture irriguée de type familial ;
  
·        Deux sur priorités : le désenclavement et l’électrification ;
·        Une urgence : la fonctionnalité du Centre de santé de Cas-Cas ;
Comme mesures d’accompagnent à noter dans l’agenda :
·        Un Lycée Technique Agricole,
·        La formation des chefs de villages,
·        L’appui et l’encadrement des daaras ;
Sur le moyen ou long terme :
·        Un établissement Supérieur de formation et de recherche de l’agriculture et de l’eau.
·        L’érosion des berges du fleuve qui menace certains villages et
·        L’assainissement.
Mesdames et Messieurs, la balle est dans votre camp et en vous remerciant de l’oreille attentive que vous nous avez prêtée, nous attendons en retour vos remarques, vos observations et vos suggestions pour enrichir cette note qui incarnera les aspirations de toute l’IAM et s’érigera en son vade mecum économique et social


Ce document de travail est la synthèse d’une réflexion collective, présentée comme une  base inter active et des termes de références afin de produire une feuille de route partagée qui sera soumise à Monsieur le Président de la République lors d’une audience que nous formulons dores et déjà. Le pilotage étant assuré par l’Union des ASC de l’Ile A Morphil, le suivi –évaluations du document final et sa mise en œuvre sera assuré en relation avec les chefs de villages, les imams, les associations de femmes qui sont parties prenantes et des personnes ressources coptées.
Merci de votre aimable attention.
     



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