POUR UN DEVELOPPEMENT
DURABLE ET INTEGRE DE L’ILE A MORPHIL
(UNE INITIATIVE LOCALE)
TERMES DE REFERENCE
CONTEXTE /OBJECTIFS/JUSTIFICATIFS
Une alternance a
chassé une autre, mais il faut souligner d’entrée de jeu que nous ne sommes
préoccupés par aucun positionnement politique, encore moins par une critique subversive.
Notre démarche se veut citoyenne, sociale et contributive.
La rencontre que nous tenons aujourd’hui à Cas Cas s’inscrit dans une dynamique et un
esprit d’échange, de partage, de discernement pointu, de mise au point objectif
des acquis, d’alerte et de veille relativement à la problématique de développement
de l’ile a Morphil qui continue de faire secréter beaucoup d’adrénaline, de
susciter des espoirs jusque-là déçus des
acteurs ruraux toutes professions confondues. La lutte contre la pauvreté et
l’accessibilité aux services primaires de base constitue la toile de fond de
cette démarche et cette stratégie de « struggle for life ».Il n’est
pas besoin d’aller plus loin que l’hivernage dernier pour illustrer notre propos.
Notre mouvement,
depuis plusieurs années déjà porte en bandoulière les attentes des populations en se faisant l’écho
des vibrations et des pulsions du pays profond. Mais, malgré les multiples
rencontres sanctionnées par des promesses alléchantes, les choses piétinent,
pour ne pas dire stagnent.
A l’aube de cette deuxième
alternance, les différents segments des
habitants de l’ile, en relation avec les émigrés, ont jugé nécessaire, utile et
opportun de faire le point de la situation socio-économique telle qu’ils la vivent
au quotidien, la sentent, la perçoivent et dont le principal destinataire est
Monsieur le Président de la République.
Les termes de
référence que vous propose ce document
et destinés à impulser et instaurer un débat contradictoire et inclusif entre
toutes les parties prenantes intéressées de près ou de loin et à des degrés
divers, s’articuleront autour de trois points cardinaux :
A -D’un diagnostic historique fondé sur
quelques repères significatifs ;
B- D’un diagnostic socio-économique
succinct mais assez descriptif pour permettre des analyses pluridimensionnelles
et multisectorielles ;
C- Des objectifs de la journée et des perspectives pour ouvrir des pistes de
réflexion et des axes de travail susceptibles de tisser une trame pour une
convergence de vue et d’action.
Les diagnostics
historique et socio-économique, sans prétendre être exhaustifs vont en plus
essayer de saisir quelques évolutions physique et humaine et asseoir des
données tangibles à même d’aider à appréhender
quelques traits du passé et du présent pour jeter les bases de futurs
probables et permettre d’opérer des
choix porteurs de progrès .Naturellement
,cet exercice de prospective sera très attentif aux tendances lourdes autant
positives que négatives qui modèleront à coup sur le devenir de cette contrée.
A_DIAGNOSTIC
HISTORIQUE
L’ile à morfil est
cette enclave de terre inondable du département de Podor, prise en étau entre
le fleuve Sénégal et son défluent communément appelé le marigot de Doué. Ils se
séparent à Winding, village mauritanien pour se retrouver à Ngaoulé, en
aval et au-delà de la ville de Podor,
après avoir parcouru chacun de son côté une centaine de kilomètres, et installé
un réseau hydrographique dense et anastomosé, vecteur des cultures de décrues.
La ressource naturelle
étant abondante et pérenne, I’IAM a de tout
temps été un eldorado qui a aiguisé des appétits et attiré agriculteurs,
éleveurs et pêcheurs qui pouvaient s’y déployer à cœur joie et régler à la limite
sous forme de cueillette leurs besoins alimentaires sans faire appel à l’extérieur.
Le peuplement sous
forme de villages s’est fait sur les terres exondées et un esprit d’espace
utile, vital aux activités par groupement ; a guidé les implantations sous
une forme harmonieuse et équilibrée, imposant de façon quasi arithmétique et légiférée une distance de
trois à cinq kilomètres entre les agglomérations. Le village, tel un organisme
vivant avait besoin de respirer à pleins poumons.
Cette occupation se projetait et se prolongeait sur la rive
droite du fleuve Sénégal, l’IAM apparaissant dès lors comme le pivot d’un écosystème
agro-sylvo-pastoral et piscicole
intégrant la rive gauche du Doué.
Un équilibre entre la
pression humaine et la régénération du
milieu se maintenait en raison,
entre autres, de l’isohyète soudanien qui prévalait dans la zone.
L’histoire de l’IAM se
confond avec celle de l’homme qui a conquis ce
vaste territoire aux richesses multiples et variées et l’a profilé en
rapport avec ses besoins. Cette ile nourricière, par ses terres limoneuses en
particulier a entretenu dans le temps avec ses occupants une relation presque
mystique.
Malheureusement, deux
événements majeurs sont venus impacter négativement l’ile dans son évolution
historique, physique et environnementale ; l’un est politique, l’autre est
d’ordre climatique ; dans l’un et l’autre cas les effets induits ont
laissé des tâches indélébiles et se sont traduits par des mouvements de
population occasionnant des déséquilibres qui perdurent. Ce sont
fondamentalement deux ruptures majeures.
La première rupture
porte le sceau de l’indépendance politique nationale du pays qui instituait le
fleuve Sénégal comme une frontière et amputait du coup les populations d’un
territoire assez important ; la pression démographique résultante sur la
rive gauche du fait d’une réduction
drastique de l’espace d’évolution des hommes et du troupeau et le redéploiement des activités fragilisait
insidieusement l’écosystème. Le manque à gagner substantiel n ‘a pas connu de
mesures compensatoires pour atténuer le choc .C’est à cette période que datent les premières
migrations significatives parce que l’équilibre était rompu. Des études
d’impact auraient dû à cet instant tirer sur la sonnette d’alarme et indiquer
les voies à suivre pour prévenir l’inéluctable désagrégation si rien n’était
entrepris jusque là pour contrer les désagréments qui frappaient à la porte.
La seconde rupture est
liée à des périodes cycliques de sécheresse dont la plus récente date des
années 70-8O, a dégradé et métamorphosé
de fond en comble l’IAM. En décapant et mettant à nu le paysage jadis florissant,
la sécheresse livra les populations à la famine et provoqua un exode massif des
bras valides vers des cieux plus cléments,
pour secourir en retour ceux qui sont restés au pays, c’est à dire les femmes,
les jeunes, les personnes à mobilité réduite et les vieillards .Cette donnée
démographique n’a pas variée depuis lors.
L’histoire de l’IAM
c’est aussi la relation dialectique entre l’homme, ce prédateur, ce conquérant,
ce colonisateur des terres, des eaux, des forets et son milieu, son
environnement. La physionomie actuelle de cet écosystème agro-sylvo-pastoral
dégradé est par ailleurs le résultat combiné d’actions anthropomorphiques et
climatiques. Adossé au désert du Sahara qui l’irradie de ses effluves avec l’harmattan,
miné de l’intérieur à l’instar d’une vermine dans un fruit par l’homme de par
ses activités ; l’ile jadis parée de sa faune et de sa flore luxuriante
n’est que l’ombre d’elle-même. L’ile à Morphil signifierait l’ile aux
éléphants. La mémoire collective garde encore qu’en début et jusqu’au milieu du
siècle dernier , les forêts galerie d’acacia nilotica, les tamarindus indica,
l’andropogon gayanus ,le vetiveria nigritina pour ne citer que ces quelques espèces
végétales dont les trois dernières ont totalement disparu, abritaient une faune
sauvage au nombre desquels on distinguait des lions, des éléphants, des hyènes,
des biches ,des pintades ,des zones de nidifications des pélicans et des
sarcelles. Aujourd’hui, des espèces xérophiles comme les balanites aegyptica,
le zizyphus, l’aristida mutabilis, se sont incrustés dans le milieu et
substitués aux grands arbres témoins d’une période plus faste. Les épineux,
plus plastiques ont conquis ce milieu et y ont élu domicile.
Au total, l’histoire
évolutive de l’environnement de l’IAM
qui déteindra sur celle de l’homme et
modifiera son itinéraire, reste fortement tributaire de la désertification qui
avance à pas de charge et enveloppe toute la région. C’est là une tendance
lourde négative avec laquelle la politique de l’autruche est exclue. Des atouts
pour combattre ce fléau existent car nul obstacle ne peut faire face à
l’imagination de l’homme. Vouloir c’est pouvoir.
Mais quel est le prix
à payer pour inverser cette tendance lourde et négative quand on sait surtout
que ce phénomène nous échappe quelque
part parce que planétaire.
Que faire à l’échelle
micro, à l’horizon du village ?
Ce sont là quelques
questions majeures que nous devons avoir
à l’esprit et auxquelles nous devrions
tenter d’esquisser des réponses plausibles et souhaitables.
B-DIAGNOSTIC
SOCIO-ECONOMIQUE
L’excellent ouvrage de
Claude Meissou « Femmes, Greniers et Capitaux » est un référentiel
qui peut aider à comprendre la société de l’IAM autant sur son mode d’évolution
que sur son économie domestique. Parce que
fondamentalement, nous sommes là en présence d’une économie intermédiaire qui
s’est très peu détachée de l’économie domestique avec l’usage d’instruments
venus du fond des âges telle que la houe, et les vestiges du troc dans les
échanges.
D’une façon générale,
des mutations profondes, liées à des cataclysmes naturels, autres que
climatiques ne sont pas venues perturber le cours de l’histoire de la région et
lui imprimer une allure inédite. Tout se
passe comme si la société calquait son rythme à celui du fleuve qui serpente en
douceur une plaine alluviale, nourricière et féconde et que ces deux entités
vivaient en osmose et en équilibre conventionnelle. Mais force est de constater
que des germes de changement sont perceptibles dans cet environnement naturel
qui s’est fortement dégradé et ou des institutions, des pratiques et
comportements traditionnelles heurtent l’implantation de la modernité.
Si le colon avait privilégié
la partie « walo » du département de Podor dans son administration en
structurant toute son implantation autour de l’axe du fleuve, l’Etat moderne
semblerait avoir inversé sa politique en mettant l’accent sur le proche diéri
avec en particulier la construction de la Nationale 2 qui devient dès lors la
colonne vertébrale du département au détriment de l’axe hydraulique jadis nerf
sensitif et moteur de cette entité administrative.
En raison et ou en
conséquence de cet état de fait, les infrastructures de soutien aux productions
essentielles et sociales connaissent un retard notoire qui a impacté
négativement et durablement le développement global de l’ile dans ses
différents secteurs d’activité et induit une forme de vie quasi autarcique. Le facteur
qui concentre le plus de nuisance reste l’enclavement dont l’aspect le plus
saillant, visible, est physique, encore que l’enclavement intellectuel et
médiatique, beaucoup plus sournois et corrosif est souvent perdu de vue.
Les ponts de Madina Ndiathbé,
de Ngouye déjà en service et celui attendu de Ndioum doivent être connectés à
la dorsale Ngouye-Podor pour être efficients et jouer pleinement leur rôle. Tout
un réseau routier de pistes de production de part et d’autre de cette route
départementale compléterait le dispositif de désenclavement.
AGRICULTURE
L’agriculture irriguée en voie de substitution aux
cultures traditionnelles reste encore
sommaire et obligée de s’appuyer sur ces dernières pour atténuer le déficit
céréalier et maraîcher chronique de la zone. Les PIV (Périmètres Irrigués
Villageois) qui datent des années de sécheresse sont marqués par une
dégradation très prononcée, faute d’entretien des aménagements et la vétusté des équipements dont la plus part
ont plus de deux décennies d’âge. Il n’est pas étonnant dès lors de se
retrouver devant des PIV détournés de leur objectif premier ou en état de
carrément d’abandon .Ainsi le temps a fini de creuser le lit d’une disette récurrente
et permanente dans ces villages du Sahel et n’eut été
l’appui et le secours de l’émigration, on aurait assisté à des départs
successifs de populations vers le Sud ou à un exode rural plus marqué vers les
villes voire même aller chercher refuge en Mauritanie, pays le plus proche,
pour y espérer plus d’assistance et moins d’oubli .
Le handicap majeur qu’est la péjoration du milieu
et le déficit des productions vivrières qui en découlent, face au croît
démographique, en entrainant les forces valides sur les chemins de l’exil
temporaire, repositionne la femme au cœur du dispositif familial et en fait du
coup l’actrice principale et réelle de la production agricole. Ainsi l’activité
agricole se féminise mais n’octroie pas pour autant aux femmes des droits sur
leur outil de travail.
ELEVAGE
L’élevage représente à côté de l’agriculture et la pêche,
le deuxième moteur de l’économie de l’IAM dans des rapports de complémentarité
remarquables et les échanges qu’ils entretiennent sont une source de vitalité
globale de la zone. L’élevage joue un rôle d’épargne important.
La strate
herbacée jadis constituée de graminées abondantes et des légumineuses offrait
un pâturage abondant, varié et donc une alimentation équilibrée pour le bétail.
Les pâturages de décrue, si recherchés par les éleveurs complétaient de manière satisfaisante les sous-produits agricoles en dehors de la
saison des pluies.
Au total,
les bovins, ovins et caprins ne recherchaient guère la strate ligneuse qui
était de ce fait très florissante. Les deux ruptures que nous avons évoquées
plus haut se sont traduites par un surpâturage inédit et ont multiplié par un coefficient
élevé la capacité de charge des parcours, ce qui a entrainé le dérèglement de
leur composition floristique et la dégradation générale de l’ensemble de l’écosystème
pâturé. Dès lors le zornia, le bracharia, le vitivera et autres espèces tant
appétées laissaient la place au leptadania et à la strate arborée avec comme
cerise sur le gâteau l’envahissement effréné de tous les espaces par le
calotropis procera, cette plante indicatrice de sols pauvres et amortis. Ainsi
le cheptel est pris en étau entre la réduction drastique des parcours d’une
part et leur pauvreté protéique et
calorique d’autre part, entrainant le croît de la population animale en dents
de scie. Les productions animales sont dès cet instant réduites à leur plus
simple expression et comme les grandes
épizooties telles que la peste bovine et la fièvre aphteuse qui faisaient des
ravages sont maitrisées, la sous-alimentation constitue le facteur névralgique
de la conduite du troupeau.
PECHE ET APICULTURE
Si l’agriculture et l’élevage sont pratiqués par
toutes les catégories sociales de l’IAM, la pêche reste quant à elle un domaine
réservé par excellence aux pécheurs, qui ont acquis dans ce domaine un savoir
et un savoir-faire spécifiques au point que l ‘activité à créer
chez eux par feed back des traits
de caractère moraux bien typés. Le
fleuve qu’ils ont conquis et dompté leur a livré tous ses secrets ; et
c’est fort de ces acquis qu’une relation mythique et mystique s’est tissée,
brodée et nouée en nœud gordien entre le fleuve et le pêcheur. Dans cette
symbiose ou plutôt dans ce rapport en faveur exclusif du pêcheur, la nature n’a
pas été non plus toujours clémente. Les perturbations climatiques ont eu ici
aussi des répercussions calamiteuses. Certaines espèces de poissons se sont
raréfiées ou ont disparu au grand désespoir de Dialtabé, ce devin et gardien du
grenier liquide. Aussi, la production piscicole a fortement chuté et le
capitaine du fleuve, symbole des grands jours qui ornaient le repas du pêcheur
ou du Torodo nanti, s’est envolé vers les calendes grecques.
Nous sommes
ici en présence d’un gisement d’expertise qui pourrait être réinvestie dans
l’aquaculture, un créneau porteur et capable d’aider à la lutte contre le
sous-emploi et l’exode rural, donc un potentiel générateur de revenus
substantiels.
L’apiculture, inconnue dans la région pourrait y
faire son entrée dans le cadre de la diversification et de l’intensification des
productions végétales et animales, comme
réponse à la situation présente
SOCIETE
La trajectoire prise par la population de l’IAM est
au désenclavement, à l’urbanisation et à l’intégration à l’entité nationale .Les
réflexes, les discours, les comportements deviennent citadins et sont fortement
perceptibles lors des événements familiaux tels que les mariages et les jeunes
expriment à merveille à travers leur port vestimentaire cette tendance lourde. Cette
mutation est liée au contact avec la ville, aux médias, et à la mondialisation
et/ou globalisation de la planète. Ceci est un facteur déterminant dans
cette évolution .On comprend dès lors qu’une certaine demande sociale articulée
au bien-être général soit présente. Et de ce point de vue le Fouta d’une façon
générale et l’IAM en particulier apparaissent comme des diverticules de la
banlieue de Dakar et au regard de leur niveau, qualifiés de banlieue niveau 2.
Des bouleversements importants sont prévisibles
d’ici une génération, liés à une lame de fond représentée par une forte
scolarisation dont la majorité est représentée par les filles.
Patrilinéaire et gérontocratique, la société Haal
Puular dont fait partie l’IAM est sans aucun doute à la croisée des chemins.
Est-il besoin de rappeler que l’IAM a été la porte
d’entrée et le berceau de l’Islam au Sénégal ? Ce phénomène historique a laissé
des marques indélébiles dans cette contrée, érigeant chaque village au statut
d’Université en miniature. Le recours à
la jurisprudence islamique dans certains conflits est souvent convoqué. Ce qui
dénote de la prégnance de l’islam dans cette société et l’enracinement de ses
préceptes et de son enseignement. Il en a été ainsi depuis le XI et XIIe siècle,
avant la pénétration de l’Ecole de Cheikh Hamidou Kane qui a commencé à miner
la supra structure édifiée par le monde arabo-musulman. L’imaginaire populaire
et les subconscients individuel et collectif des individus sont en voie de
restructuration et de réorganisation, sur la base des substrats constitutifs
des éléments culturels du rendez –vous du donner et du recevoir cher au défunt
Président/Poète L.S .SENGHOR.
Aujourd’hui des besoins en éducation et en
formation professionnelle de qualité émergent pour produire un homme nouveau suffisamment
informé et outillé pour se mouvoir dans son environnement, créer de la richesse
sur la base de la demande du marché et subvenir pleinement à ses besoins de
plus en plus multiples et variés .Cet objectif cardinal, locomotive de tout
processus de développement doit être pris en compte et inscrit en lettre d’or
par tout projet de développement, tout projet de société. Or toute l’IAM ne
dispose que d’un Lycée d’enseignement général à Cas- Cas, en dehors de celui de
Podor très excentrés du reste. Les Lycées de Mboumba et de Ndioum constituent
naturellement des réceptacles pour les élèves des CEM de l’ile.
Les daaras de leur côté ont une demande spécifique
en terme d’appui et d’équipement surtout, la démocratisation de l’enseignement
à ce niveau aussi s’étant traduite par un afflux important d’apprenants. Il
reste que les formes pédagogiques utilisées à l’heure de l’internet jurent
d’avec toute tentative de modernisation sur l’ensemble du terroir. Le système
demeure très conservateur et chevillé à des méthodes qui ont du mal à bouger.
Faute de moyens et de politique en la matière, l’enseignement coranique est
désarticulé par rapport au système général et pose des équations de survie. Le
vécu des talibés est une source de contre-performance et d’abandon précoce du
daara qui jette sur les chemins de l’errance beaucoup de jeunes. Mais quand on
sait le rôle de formation d’homme que joue cet apprentissage qui traverse la société de part en part et en constitue sa colonne vertébrale
du point de vue morale et éthique, il y’a lieu de revoir sa prise en charge
pour lui donner un contenu et un emballage conformes aux aspirations de la
société. Samba Diallo de l’Aventure ambiguë sommeille en chacun de nous et crie
au secours pour éviter le naufrage.
La situation
sanitaire de l’ile subit les contrecoups de l’enclavement malgré les
améliorations notées .Si la majorité des villages sont dotés de poste de santé,
l’inexistence d’un plateau technique performant et polyvalent tant attendu avec
le Centre de Cas-Cas fait piaffer d’impatience. Il faut se féliciter tout de même
de la prise de conscience générale des problèmes de santé et souligner que la
présence majoritaire du 3e âge et des femmes devront être des
indicateurs ciblés pour l’équipement du Centre de santé de Cas-Cas.
La couverture médicale est un enjeu de taille.
D’artisanat,
il n’y a plus que des reliques de cordonnerie et de forgerie traditionnelles.
Il est attendu de l’électrification rurale un renouvellement des métiers et une
diversification des activités du secteur.
Les organisations de producteurs agricoles brillent
par leur faiblesse organisationnelle et opérationnelle. Le Projet Hollandais
qui s’était installé à Cas-Cas au cours de la sécheresse des années 70-80 et
avait introduit la culture irriguée du riz avait accompagné la mise en place de
la Fédération des Unions des GIE de l’ile en vue d’asseoir un réceptacle
capable de prendre en charge l’héritage et de piloter, coordonner les activités
sur l’étendue de leur terrain d’emprise. Les Unions de Démeth, de Cas Cas et de
Thioubalel qui se structurèrent autour de magasins d’approvisionnement et des
PIV font aujourd’hui face à des problèmes de fonctionnement et d’équipement qui
peinent à être renouvelés. Toujours dans la même mouvance, une organisation de Producteurs
Privés qui regroupait des initiatives portées par des individus et une
association de femmes tournée vers les
jardins maraîchers apparurent pour compléter un dispositif agricole que le
Projet souhaitait transférer à la FUGIAM.
Le RIAD, un réseau d’acteurs de développement est
également présent sur l’ile avec le
PRODEP, bien que sa vocation se veuille nationale.
Mais, en tout état de cause, force est de
reconnaitre que la première décennie de ce 21e siècle est marquée
par l’émergence d’un mouvement de jeunes issus des ASC et des navétanes et
porte bruyamment les revendications des populations .C’est cette Union des
ASC qui a pensé, planifié et organisé cette RENCONTRE A CAS-CAS, après avoir pris contact avec les chefs de
villages, les imams et sensibilisé les différents segments de la population de
l’ile.
Il est bon de noter, à ce stade, pour la
clarification de la démarche et des projections ultérieures, que l’IAM que nous
avons campé géographiquement et socialement au début de notre propos, semble être
réduite politiquement aux arrondissements de Saldé, Gamadji Saré et Cas-Cas qui
représente au sein de ce trio l’épine dorsale en raison de ses initiatives et
du rôle de premier ordre qu’il joue.
Il n’est pas non plus superflu de dire un mot sur
le mode de gestion et d’administration
des villages, qui échappent dans la plupart des cas, au regard de leur taille
et à la complexité des problèmes, au
chef de village, souvent analphabète et sans assistance. Les villages semblent
flotter et l’érection en communes de certains au détriment d’autres ne parait
pas relever d’une analyse prospective scientifique, pour ne pas dire
cartésienne, mais d’une démarche politicienne chargée de frustrations et
d’équivoques. Un grand défi à relever. Un autre enjeu de taille en perspective.
Parce qu’une gouvernance locale démocratique, intégrant pleinement le village
devra jeter les bases saines d’un développement durable, réfléchi, tiré par un
rêve partagé.
C_PERSPECTIVES ET POINTS D’ANCRAGE
La perspective ou les perspectives et les points
d’ancrage ou points nodaux sont le
condensé de notre vision et de notre programme d’action sur les courts, moyens
et longs termes, qui prennent en compte les perceptions de développement de
l’ile des populations.
Le tryptique agriculture, élevage, et pêche
constitue le noyau moteur du développement de l’ile, relativement à sa
configuration naturelle et écologique ; tous les paramètres et indicateurs
en font un domaine agricole par excellence, quel que soit l’angle sous lequel
on aborde l’ile. L’agriculteur qui doit se substituer nécessairement au paysan,
reste la pierre angulaire, l’objectif terminal, fédérateur et consensuel de
toute l’ile. C’est de l’agriculture que doit vivre l’ile à morphilien ; et
la chaîne de production, de
transformation, de commercialisation et
de financement de cette activité à haute valeur ajoutée, source de revenus et
de satisfaction de tous les besoins doit être au cœur de toutes les préoccupations.
L’IAM devrait être un grand jardin, un oasis sur
les flancs du désert et son aménagement pourrait être confié à une Agence, qui
ferait de ce patrimoine et de ce terroir qui regorge de potentialités le GRENIER DU SENEGAL.
Ce postulat posé, le désenclavement,
l’électrification rurale, la couverture médicale, la formation professionnelle
apparaissent, sans être exhaustif encore une fois, comme des facteurs de
production.
CONCLUSION/SYNTHESE
Tentons de conclure, de résumer et de synthétiser :
L’IAM ,objet de cette fresque que nous avons
esquissée à grands traits avec ses potentialités et ses attentes, mais aussi
les menaces qui pèsent sur elle, est en dernière analyse un creuset de
paradoxes qui reverdira, avec l’abnégation et la pugnacité de ses enfants dans
une approche endogène des problèmes et un sursaut d’orgueil pétri dans une
vision cohérente, intégrée et intégratrice du développement.
Deux tendances lourdes : la désertification et
son corollaire qu’est la sécheresse d’une part, et la féminisation de la
population d’autre part sont des
stigmates visibles à l’œil nu et questionnent sur le développement agricole qui
reste et demeure l’équation, le nœud gordien de la problématique principale à
résoudre.
Cependant, une prise de conscience de plus en plus aiguë
et la détermination à faire face aux difficultés individuellement et
collectivement apparaissent chez les acteurs à la base, engagés dans des
processus de lutte contre la pauvreté et la protection de l’environnement.
Nous retiendrons après avoir tout oublié, ce maxime
de Gaston BERGER: que demain, c’est aujourd’hui qu’il faut le bâtir ou comme le
disent les Haal Puular « Hiirande ko diama niamete sukonone ko
gnalawma fewdjete ».
Last but not least, l’Ile A Morphil c’est
fondamentalement:
·
Un enjeu de taille sine qua none qui conditionne la vie : l’agriculture
irriguée de type familial ;
·
Deux sur priorités : le désenclavement et l’électrification ;
·
Une urgence : la fonctionnalité du Centre de santé de
Cas-Cas ;
Comme mesures d’accompagnent à
noter dans l’agenda :
·
Un Lycée Technique Agricole,
·
La formation des chefs de villages,
·
L’appui et l’encadrement des daaras ;
Sur le moyen ou long terme :
·
Un établissement Supérieur de formation et de recherche de
l’agriculture et de l’eau.
·
L’érosion des berges du fleuve qui menace certains villages et
·
L’assainissement.
Mesdames et Messieurs, la balle est dans votre camp
et en vous remerciant de l’oreille attentive que vous nous avez prêtée, nous
attendons en retour vos remarques, vos observations et vos suggestions pour
enrichir cette note qui incarnera les aspirations de toute l’IAM et s’érigera
en son vade mecum économique et social
Ce document de travail est la synthèse d’une
réflexion collective, présentée comme une
base inter active et des termes de références afin de produire une
feuille de route partagée qui sera soumise à Monsieur le Président de la
République lors d’une audience que nous formulons dores et déjà. Le pilotage
étant assuré par l’Union des ASC de l’Ile A Morphil, le suivi –évaluations du
document final et sa mise en œuvre sera assuré en relation avec les chefs de
villages, les imams, les associations de femmes qui sont parties prenantes et
des personnes ressources coptées.
Merci de votre aimable attention.
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